pied noir

Né à Bab El Oued - 1948 - ALGER

 

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De : Antoine/Tony BILLOTTAEnvoyer un mail

Le : 07/10/2024 09:14

BAR MISVAH CHEZ LES DURAND D'ALGER DE HUBERT ZAKINE..


Demain est un autre jour. Zbarlala, les amis me sifflent. Ma mère m’envoie faire le marché de Nelson. Une moto Norton pétarade dans la rue et Jacky prend son café au balcon comme tous les jours. Si la radio ne diffusait pas de la musique militaire, on croirait que c’est un jour comme un autre. Total, aujourd’hui, pas d’école, pas de match quartier contre quartier, pas de Nicole, seulement le Forum. En une nuit, on est passés au rayon politique sans s‘en apercevoir. Pour rien au monde, on veut rater cette page d’histoire de France ou d’Algérie, à savoir mais on est aux premières loges et pas question que ça se passe sans nous. On se donne rendez-vous dès 13 heures. Après les recommandations d’usage de ma mère, on part en campagne en criant Algérie Française. Comme si on ne savait pas que l’Algérie n’était pas en Russie.
Bien sûr, qu’Alger, Oran , Constantine et le Sahara sont en Algérie Française. Alors, ça sert à quoi de le dire. Est-ce que les Italiens crient à tout bout de champ, Rome Italienne ? Les adultes français ne sont pas normaux. En plus, ils partent vers le Forum comme s’ils voulaient en découdre contre le monde entier. Nous autres, on manifeste en rigolant. Sûr qu’on est une bande de rigolos qui mesurent pas la portée de ce 13 mai. Il faut dire qu’on est nuls en calcul. En calcul et en politique.
Seulement, ils désirent une seule chose, c’est se frotter contre des demoiselles pas trop farouches. Même moi, à qui on donnerait le bon dieu sans confession (dixit ma mère), si une jolie fille vient se coller contre mon auguste personne, je crois pas que ça me gênerait outre mesure. C’est vilain hein ?
On tangue à qui mieux mieux.Une grosse femme m’envoie balader d’un coup de hanche, je me retrouve dix mètres plus à gauche. Les amis se bidonne de me voir lutter contre les quarantièmes rugissants. Putain, la loubia joue du yoyo dans mon estomac à la vitesse grand V. Ce batard de Mani dort contre une trop jolie fille qui a l’air d’en être importunée. Les amis lui font honte à la figure et, aussitôt, la colle sécotine se dilue comme par enchantement. Les discours succèdent aux discours et nous, on s’est réfugiés sur un promontoire qui domine la place du Forum. Châ ! On respire. Et soudain, la musique militaire annonce que Jacques Soustelle va prendre la parole. Jacques Soustelle, je le connais depuis 1956 quand avec mes frères, on a chanté « ce n’est qu’un au revoir » lorsqu’il est rentré en métropole après avoir été limogé du poste de gouverneur général de l’Algérie. Eh bien, il est revenu le temps du muguet. Jacky, Zarmah, il était persuadé qu’un jour ou l’autre, on le reverrait à Alger. C’est Nostradamus en personne, mon frère !
Soustelle, Salan, De Gaulle et mes oncles Léon et William nous a dit de prparer les valises.
--Avec De Gaulle, c’est foutu ! N’importe qui mais surtout pas lui !
Mes oncles sont des devins. Dans la famille, y a plein de Nostradamus.
--Pouc’étairquoi pas lui, tonton ?
--Parce qu’il est parti à Londres pas pour faire la guerre, pour se cacher. C’est un planqué, un pêteux qui envoie les autres se faire tuer à sa place.
Putain, donc le grand cornichon va nous rouler dans la farine ? Aouah ? C’est pas possible. Qu’il nous tape un coup de sminfin couffin, passe encore mais Soustelle, Salan, Massu, si c’était le cas, ils lui feraient la tête comme une topine en bourg. Les amis ne le pensent pas. Zarmah, ils connaissent De Gaulle.
--Tu connais deux goals, Landi et Boubekeur.
La mort de sa mère, la politique. Tonton il a dit ça ? Jacky , mon frère, aussi, il est dans tous ses états. Mais, manaraf, De Gaulle vient à Alger. Massu va le mettre à Barberousse et s’il veut pas de l’Algérie Française, on le garde en prison jusqu’à la saint glin glin. Jacky rien qu’il rêve.
Bidault président de la république avec Soustelle premier ministre. Ba Ba Ba dé !
La vérité, y avait besoin d’appeler le grand cornichon.
Pendant ce temps, personne ne parle de ma Bar Misvah. C’est comme si je pissais dans un violon et même dans un violoncelle. Ma communion, c’est quantité négligeable. Et le pouce, quantité négligeable !
Comme elle précise ma mère, la Bar Misvah, on passe devant le rabbin et basta. On est marié avec le judaisme pour la vie alorsque le mariage civil ou religieux peut se renouveler cent fois si on divorce cent fois.
Le mois de mai est passé comme un avion à réaction. Il a permis à ses enfants de devenir des hommes et aux hommes d’Algérie de basculer la France dans la révolution.
Le 13 mai 1958 a accouché d’une révolution certes mais avec mes frères, je reste circonspect.A cause de mes oncles. La vérité, même si je suis ni John Wayne ni Pecos Bill, j’aurais bien le temps de prendre mon pistolet à eau pour devenir un redresseur de torts.

 

De : Pion JacquesEnvoyer un mail

Le : 28/09/2024 14:47

Bonjour
Je voudrais vérifier avec vous si l’école Lazerges était bien celle de la mère Michelle Arnold née en 1926 et toujours vivante avec toute sa tête? Y aurait-il des photos de classe des années 1936-1938?
Ma mère me dit que sa mère (ma grand-mère que je n’ai pas connu) y travaillait comme gardienne. Y aurait-il des traces? De mon côté je vais regarder dans sa maison s’il reste quelques photos et vous les transmettrai.
Cordialement
Jacques Pion

 

De : DOMENECH LilianeEnvoyer un mail

Le : 22/09/2024 07:21

Souvenirs, souvenirs...

On en veut encore...

 

De : Antoine/Tony BILLOTTAEnvoyer un mail

Le : 21/09/2024 12:20

SQUARE GUILLEMIN DE HUBERT ZAKINE.

Nicole, elle arrive sur le coup de quatre heures de l’après midi. Aujourd’hui, elle porte la même robe que la veille sauf qu’elle a changé de couleur. De rouge vermillon elle est passée au jaune paille qui fait ressortir son teint halé. Des fois, je sors de ces expressions ! Teint halé !J e pourrais pas dire comme tout le monde : qui fait ressortir son bronzage ! Teint halé, n’importe quoi ! Je dois être amoureux parce que James Stewart, il dit, dans un film, qu’être amoureux ça rend zinzin. C’est vrai qu’elle est délicieuse la petite blondinette du square Guillemin comme dirait le pâtissier Prat de l’avenue de la Marne. On en mangerait ! Quand elle me voit sur mon beau cheval blanc, elle me sourit à rendre jaloux Buster Keaton. C’est que j’ai pas l’habitude de retenir les gros mots qui sortent de ma bouche de mal élevé, de jouer les Don Juan pour faire l’intéressant sans verser dans le cucu la praline, enfin de rester un garçon avec des poils aux jambes, des noyaux dans les poches et le tape-cinq toujours prêt à claquer sur la main d’un autre babao.
Nicole, elle me mange des yeux. Comme elle dit ma tante Lisette en parlant de bibi : « Cuila, y va en faire tourner des têtes ! » Elle est gentille tata Lisette, mais elle est chauvine, c’est rien de le dire ! C’est la s½ur de ma mère, alors obligé, tous les enfants de la famille, c’est les plus beaux et les plus intelligents du monde et des alentours! Si j’écoute ma mère et mes tantes, quand je serais grand, monsieur Univers, ce sera un enfant de la famille! En attendant, c’est moi le seul garçon du jardin Guillemin que ma petite blondinette elle a remarqué. Ya pas à dire, elle a bon goût. En plus, je parle avec elle comme si c’est ma cousine. La timidité, elle me paralyse plus. Presque je l’embrasse pour lui prouver que je suis content ! Mais, si je mets mon projet à exécution, elle se sauve en courant jusqu’à la bonbonnière où toute sa famille elle est installée. Allez va, je reste poli et bien élevé comme ma mère elle m’a appris.
Mes amis, Mani et Gozlan y remontent de la rue Thuillier excités comme des harengs saurs. Ils parlent de se dobzer contre Patou et Georgeot, deux frères jumeaux qui se ressemblent pas du tout, pour une sombre histoire de noyaux perdus au jeu du tas ! Y sont fous, mes amis, surtout que Patou et Georgeot, y sont gentils comme tout et en plus, c’est des copains du quartier. Zarmah, je sais jouer les médiateurs. Ca me donne une importance aux yeux de Nicole comme si que j’étais le shériff de Bab El Oued City. Ba ba ba, dé ! En deux temps, trois mouvements, voila nos quatre cow boys qui fument le calumet de la paix et je vois la Rivière de nos amours couler dans les yeux de ma squaw. (Je me fais encore du cinéma) Je suis pas Kirk Douglas mais ca vient doucement, doucement ! Ah ! C’est vrai ! Vous vous dites : « pourquoi de Kirk Douglas maint’nant ? » Moi je vous réponds que la rivière de nos amours, c’est un film avec l’acteur à la fossette sur le menton. Ca y est, je peux continuer à écrire ouais !
Jamais j’aurais cru que, moi, le mazozé à sa mère, un jour, je serais le mazozé d’une petite fille blonde. Ca m’est tombé dessus sans même le vouloir. J’ai pas songé aux conséquences quand j’ai joué au grand. C’est vrai, avant je jouais aux billes, aux noyaux, à la toupie, à la carriole, au football, à « tu l’as ! », à bix, à la délivrance, aux cow boys avec Bouzouz, au corsaires avec mes frères, à la belote, à la manille, à la ronda (je pourrais en faire comme ça jusqu’à demain matin mais la vérité, je suis pas samote comme j’en connais). En un mot comme en deux cents mille, j’étais tranquille comme John Wayne dans l’homme tranquille! Remarque, je suis loin d’être un homme alors mieux je profite, va ! Y sera temps de me faire du mauvais sang (comme ma mère) quand le moment y sera venu. Et qui me dit que Nicole elle va me faire faire du mauvais sang. A peine j’ai douze ans !
*****
Le matin, tous les jours on tape et on retape le match. Vincent et moi, on se met face à face à dix mètres l’un de l’autre. Ceux qui nous connaissent pas croient qu’on va se morfler l’½il. Comme Henry Fonda et Richard Widmark dans « l’homme aux colts d’or ». Total c’est seulement pour choisir les joueurs de chaque équipe, en avançant à petits pas. Cuila qui touche le pied de l’autre le premier, il choisit le meilleur joueur et ainsi de suite jusqu’au plus nul d’entre tous. Le plus nul, c’est celui qui fait de la figuration, qui court dans tous les sens sans jamais toucher une balle, qui fait des roues libres, celui que sara-sara y s’assoit sur les bancs du jardin pour se plaindre à l’arbitre qu’on l’a cassé. Comme si y sait pas que dans le quartier, on joue sans arbitre ! Yaré, yaré ! Y suffit qu’un grand nous regarde pour qu’on perde tous nos moyens. Comme des gamates, on arrive plus à faire un dribble, une tchèque, un tir ou une passe! C’est pas comme ça que je vais devenir le nouveau Di Stefano alors, dégoûté de la vie, mieux, je joue aux tchap’s! Mais une fois que les grands passent leur chemin, je recommence à me prendre pour Kopa. Je redeviens le roi des coups de temeniek, je mets dans le vent tous les joueurs qui croisent mon chemin, je tape feinte de corps sur feinte de corps. Tel l’empereur des tchichtchiqueurs, je dribble même les joueurs de mon équipe, je tape des petits ponts à plus que savoir en faire. A côté, « le pont de la rivière Kwaï », c’est du zbérote. Le match dure comme ça jusqu’au moment du repas, quand on est saoulé de fatigue, de soleil et de soif. Avant de rentrer chacun chez soi, on va se taper chez madame Bazas, l’épicière de la rue Koechlin, une bonne bouteille de Sélecto ou de Crush. Sûr que ma mère elle va se lamenter en me voyant rempli de sueur.
--Bou allah sardek, mon fils ! Tu veux me faire mourir de mauvais sang ou quoi ? Va te regarder dans la glace, on dirait un chiffonnier ! Tch’es tout en nage !
--Mais manman, tous les copains qui jouent avec moi, y sont tous en nage !
--Et alors, si y vont se jeter au Kassour, tu dois toi aussi te jeter au Kassour !
--Ah, bardah !

 

De : CASTIGLIA GISLHAINE Envoyer un mail

Le : 20/09/2024 16:53

Bonjour chers amis,
Toujours à la recherche de mon amie d'enfance, Elisabeth CHOUCROUN, habitant 2 rue Rosetti à Bab-bel-oued. Ses parents tenaient la loge de concierge de cet immeuble. Nous étions scolarisées à l'école de la rue franklin jusqu'au cours complémentaire. J'ai quitté l'Algérie en juillet 1957.
Je serais heureuse de la retrouver et de partager tous ces merveilleux souvenirs.





 

De : Coulon MarcelEnvoyer un mail

Le : 14/09/2024 10:12

Bonjour,
Dans un but de recherche sur ma famille, je souhaiterais approfondir nos connaissances sur l'histoire de l'un de nos ancêtres arrivé en Algérie dans les années 1830 et où il est resté jusqu'à son décès en 1863.
Il s'agit de Dominique (Antoine) Parodi qui résidait 3 rue Cléopâtre, entre la rue Bab-el-Oued et la place du Gouvernement. Marin d'origine italienne, il était déclaré propriétaire dans les différents actes d'état-civil en notre possession.
Il a effectivement investi dans l'immobilier à Alger à partir de 1830, et nous aimerions connaître la source de ses revenus.
C'est sans doute le Parodi bâtisseur cité par Hubert Zakine dans le chapitre sur "les italiens" de son livre "Il était une fois ...BAB-EL-OUED" page 86, paru aux Éditions les Presses du Midi en 2010. Pourrait-on savoir d'où provient cette information ?

Auriez-vous dans vos relations quelqu'un susceptible d'enquêter sur Dominique Parodi ?
Pour info, sa généalogie a été mise sur le site Geneanet par Jean-François Rat avec qui je corresponds.

Merci d'avance pour votre réponse.
Cordialement,
Marcel Coulon
14170 Saint-Pierre-sur-Dives
Email : marcel.coulon@free.fr

 

De : Antoine/Tony BILLOTTAEnvoyer un mail

Le : 09/09/2024 07:01

Je viens de découvrir ce lien et me découvre être à l'honneur en 6èA3 :
souvenir impérissable et plein de fierté d'un enfant pauvre de Babeloued dans le 2è plus prestigieux lycée de France, le lycée Bugeaud !

http://lycee-bugeaud.fr/documents/pages_liees/145_lycee_bugeaud_prix_1_7_1952_echo.htm


NE TRAHISSEZ JAMAIS VOS ORIGINES

N'oubliez pas qui vous avez été
La vie est un voyage
Et si vous ne voulez pas vous perdre
Vous devez toujours vous rappeler d'où vous venez


 

De : Domenech Liliane Envoyer un mail

Le : 05/09/2024 19:14

Super ce site. Et toutes les plages d'Alger.

 

De : Antoine/Tony BILLOTTAEnvoyer un mail

Le : 04/09/2024 10:01

Les plages de chez nous à Alger


Scènes de vie quotidienne d' européen dans les stations balnéaires à l'époque de l'Algérie française. Les loisirs sur la plage entre baignades ( dans des costumes de bains) et jeux (le jeu du "Facteur est passé"); une régate filmée depuis la côte; Un spectacle sur une scène en plein air; Une famille réunie autour d'une table occupée aux activités quotidienne; Les villas en bord de mer, une traction s'éloigne sur la route.

Les plages à l'ouest d'Alger...voyage vers la côte turquoise...en partant de
Bab-el-Oued...

https://www.judaicalgeria.com/pages/alger-les-plages.html

 

De : Antoine/Tony BILLOTTAEnvoyer un mail

Le : 02/09/2024 09:20


Louis-Michel Attard

Le 18 juin 1962 nous quittions mes parents, mes grands-parents, mon petit frère et moi l'Algérie pour toujours sur le paquebot le " Ville d'Alger". Nos amis Josette et René et leurs deux enfants ont pris aussi ce bateau mais ....

Voici leur histoire que je n'ai jamais pu oublier.

"D : comme Départ, Drame, Désespoir."
Alger, sur les quais envahis de soleil, une foule se presse. Une colonne de personnes chargées, fatiguées, hagardes, avance vers la passerelle d’un grand paquebot. Un homme, René, porte deux lourdes valises, sa femme Josette, suit. A son bras un grand et gros sac, qui paraît trop lourd pour ses bras frêles. Deux enfants, Aline 8 ans et Marc 10 ans tenant serrés leurs jouets, semblent épuisés.
Ils montent à leur tour sur la passerelle et arrivent sur le pont. Josette sanglote, les petits pleurent aussi. Ils pleurent de voir leur mère pleurer, ils ne savent pas exactement ce qui se passe. Pourquoi ils doivent quitter leur maison, leurs amis, leur pays ?
Ils vont en France.
« - C’est où la France ? - Chez qui allons-nous ?
- En France !
- Mais chez qui ? Maman ?
- Je ne sais pas ! En France. »
Laissant les enfants et leurs bagages à côté des deux chaises longues qui leur sont réservées, les parents se frayent un passage à travers la foule, pour arriver au bastingage. Là, appuyés à la rambarde, ils regardent avec intensité la ville blanche qui s’éloigne tout doucement, ils pleurent sans retenue, avec de gros sanglots qui montent de leurs c½urs meurtris. Insidieusement le rivage disparaît lentement. Les quais, les immeubles disparaissent aussi. Josette se penche, veut voir encore son pays, sa terre.
Sa tête tourne, ses pensées s’emmêlent, elle se penche encore et encore pour apercevoir une dernière fois sa vie qui s’efface.
Son buste est perpendiculaire à la rambarde.
Soudain, un cri déchire l’air, Josette bascule, hurle le nom de son mari :
« René !! René !! ».
Son corps disparaît dans le remous des vagues. Les passagers se mettent à hurler. René, sans réfléchir, enjambe le bastingage, se tourne un instant vers ses enfants et comme pour s’excuser :
« Elle m’appelle »
et saute à son tour dans le tourbillon mousseux que trace le sillage du navire. Leurs corps disparaissent. Engloutis à jamais, dans cette Méditerranée qui a bercé leur enfance. Appuyés, plaqués contre les cabines, deux enfants hagards. Aline la bouche grande ouverte sur un cri silencieux, les yeux horrifiés, ne réalise pas ce qui vient d’arriver. Marc hurle son effroi :
« Non ! Non ! Papa ! Maman ! au secours !
Qui viendra au secours de ces enfants dont l’enfance est fauchée, l’adolescence meurtrie, la vie saccagée ? Josette est-elle tombée accidentellement ? ou a-t-elle voulu mourir, ne supportant pas l’idée de partir, de laisser sa terre, ses parents enterrés dans le petit cimetière de leur village ?
Et René ? a-t-il pensé une seconde qu’il pouvait sauver sa femme des flots ? a-t-il pensé qu’il ne lui serait pas possible de vivre sans elle ? peut-on réfléchir dans ces cas extrêmes ?
Longtemps la petite fille n’a pu prononcer une parole. Son c½ur s’est refermé sur les images de ses parents. Elle n’a jamais pu raconter à personne son arrivée en France.
Une vague cousine les a recueillis son frère et elle. Une femme déjà âgée, n’ayant jamais eu d’enfants, se trouvant en quelque sorte, forcée de garder ces deux là. Elle ne leur prodiguera ni chaleur, ni tendresse, ni mauvais traitement. Elle les élèvera, les nourrira sans plus. Le frère et la s½ur deviendront indissociables. Toujours ensemble, se protégeant l’un, l’autre. Se nourrissant de leurs faibles souvenirs, revivant sans cesse leur enfance heureuse avec papa et maman, avant que n’apparaisse le gros paquebot.
Quarante ans ont passé. Marc et Aline sont instituteurs tous des deux ; ils ne sont pas mariés, ils habitent tous deux, un petit pavillon dans la banlieue parisienne. Les élèves sont leur famille. Un jour, chez une amie, devant un ordinateur, ils regardent un CD sur Alger et ses environs.
Soudain, fébrilement, ils cliquent sur la souris, ils regardent de tous leurs yeux, ils reviennent plusieurs fois sur la même image. Ils revoient leur pays, les quartiers qu’ils ont connus, leurs écoles. Leurs mains tremblent, ils se regardent et leurs yeux s’embuent de larmes. Si longtemps contenu, leur chagrin remonte à la surface, libère l’étau de leur c½ur. Et les larmes coulent, coulent. Aline, maintenant sanglote. Elle ne voit plus rien sur l’écran, mais enfin, elle peut parler de ce drame qu’ils ont vécu. Jamais, elle n’a pu en parler à qui que ce soit. Et là, elle raconte, parle, délivre son c½ur de cette immense chape qui l’enserrait.
Son amie lui apporte des mouchoirs, une tasse de thé, la réconforte du mieux qu’elle peut, émue aussi aux larmes. Peut-être que ces deux êtres meurtris par la vie, retrouveront à partir de cet instant, un peu de sérénité. Que le fait de parler de cette tragédie soit une réconciliation avec la vie, et qu’ils pourront penser à être heureux, à leur tour, avant qu’il ne soit trop tard.
Paix a leur âmes



 

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