pied noir

Né à Bab El Oued - 1948 - ALGER

 

Liste des messages

De : Antoine/Tony BILLOTTAEnvoyer un mail

Le : 12/02/2025 15:22

L’autre Symphonie inachevée, celle que vous ne connaissez pas…
 
Les récits épiques concernant le prestigieux Lycée Bugeaud, son administration, ses professeurs, leurs élèves, ne manquent pas et sont très souvent empreints de tendresse, de nostalgie et si bien écrits qu’on ne se lasse pas de les lire et les relire ; et ainsi, de se replonger dans des souvenirs qui reviennent, surgissant d’on ne sait d’où…
Et me voilà par magie, transporté fin 1954, un mardi soir, en dernière heure, de 16 à 17h dans la salle d’éducation musicale où nous attend, droit comme un i,  et toujours armé de sa règle quadricolore graduée, notre prof M.Marcel Perrin, aux cheveux plaqués, tout de noir vêtu, l’air sévère devant l’entrée massive de plus de quarante adolescents bruyants, chahuteurs, saturés par les six heures de cours précédents pendant lesquels discipline, concentration, attention etc. sont de rigueur.
Aussi, est-ce sans surprise que nous nous installons à nos places habituelles après un remue-ménage de chaises légèrement accentué, non mais… ! ! !
Sur injonction de notre maestro, nous sommes invités à écouter attentivement  l’½uvre qu’il nous a choisie, de nous en imprégner, d’en dégager, exprimer ultérieurement nos sentiments dans nos carnets de « musique » et de ne surtout pas nous lever et ce, même si la cloche de sortie retentit.
Ouf ! Pas d’interros aujourd’hui et déjà, nous nous « mettons en action » :          les « cas d’or », tête posée sur les coudes, yeux fermés, d’autres, bras sur la table, regard vers le plafond, et les fatigués, affalés et prêts à s’endormir….
Dans un silence impressionnant, une musique, classique bien entendu mais dont je n’ai pas retenu l’auteur, s’élève et nous enveloppe, selon nos goûts, d’une torpeur ou d’un mysticisme propre aux connaisseurs ou…non.
Au bout de 45 minutes d’écoute, la sonnerie de sortie retentit. Personne ne bouge. Personne ? Non !  En bon élève, soucieux de m’acquitter de ma dette de devoir supplémentaire écopée à cause certainement d’une très mauvaise note en éducation musicale, contrairement à celles de mes camarades musiciens, je me lève pour aller puiser au fond de mon cartable, mon laïus imposé sur la vie et l’½uvre de ne sais quel musicien célèbre…
Et c’est à ce moment-là que le cours de l’Histoire va basculer ! ! !
 
 Car la vigilance de notre prof ne faiblit pas d’un iota ; d’une pichenette, il lâche sa règle qui, artistiquement accompagnée par notre divine musique, fend l’espace et après avoir heurté l’épaule du camarade assis devant moi, dans un magnifique salto avant, atteint sa cible : touché !
Un hurlement ! Je viens d’être atteint à un ½il et vois des étoiles partout. La musique s’arrête, donnant ainsi le signal anticipé d’une sortie annoncée avec retard et rassurant les élèves de la 3è AB1 : pour les uns, ce sera le retour avec les copains habituels, pour les autres, ils ne feront pas attendre leurs parents venus les chercher en voiture, pour d’autres le chemin du stade et des entraînements…
Et moi dans tout ça ?
M.Perrin prend mon lourd cartable alors que je garde ma main sur l’½il blessé. Nous allons au secrétariat du lycée et après explications, nous voilà partis en 4CV. Nous filons vers le centre-ville et je comprends que nous longeons les boulevards du front de mer. Arrivés au carrefour de l’Agha, M.Perrin se gare à gauche, au début de la rue Charras et monte chez lui où nous accueille Madame. Je n’en mène pas large et reste confondu devant l’immensité de la pièce où je me trouve (à elle seule, elle équivaut à celle de notre appartement !) et où trône le premier piano à queue que je n’avais jamais imaginé. Nous allons ensuite chez son ophtalmologue, le docteur Lorrain, qui me soigne et établit une ordonnance de soins.  Et nous voilà repartis dans l’autre sens  vers Babeloued, moi  servant de copilote indiquant à mon prof, l’avenue de la Marne, de la Bouzaréah, Durando, des Consulats et enfin la rue de la Consolation et les immeubles des Messageries.
Grimpant les 4 étages sans ascenseur, nous trouvons ma mère, traumatisée par mon retard et prête à appeler Police-Secours et s’excusant presque du malheureux accident dont  j’avais été la victime.
Il n’y eut pas de suite à cette malencontreuse affaire. Non. Ah mais si !
Que croyez-vous qu’il advînt ?
M.Perrin n’a jamais plus utilisé sa réglette comme auxiliaire d’autorité et plus aucun lycéen de Bugeaud n’a failli être éborgné. Et tout ça, grâce à qui ? À toi ? Mon ½il ! ! !
C’était en 1954, le début de la guerre… Vous croyez que je peux porter plainte ?

 

De : Antoine/Tony BILLOTTAEnvoyer un mail

Le : 08/02/2025 16:22

TCHALEFS D'UN ENFANT DE BAB EL OUED DE HUBERT ZAKINE.

LES CHAUSSURES DE RODGER

Rodger, c’était le magasin de chaussures au tout début de l’avenue de la Marne, côté jardin Guillemin. Bien calé sous ses imposantes arcades, ce magasin, il attirait aussi bien les femmes élégantes que les hommes pour la qualité de sa fabrication.
Comme tous les dimanches, j’allais déjeuner chez mon oncle Léon et ma tante Rose mais ce jour là, y tombait des cordes. C’était un déluge digne des déluges algérois, une véritable marabounta. Comment faire pour traverser toute l’avenue Malakoff sans me mouiller surtout que le vent y soufflait en rafales. Pour couronner le tout, mes chaussures elles étaient toutes trouées et rafistolées avec des semelles découpées dans une vieille boite en carton. Comme un babao, je voulais m’y rendre quand même parce que mon oncle c’était un fou de football et le SCUEB qui avait battu le grand Stade de Reims y venait défier l’ASSE. Et, avec mon oncle, je rentrais à ouf au stade. La pluie, elle voulait pas cesser comme une samote. Ma mère, rien qu’elle me décourageait
--« Tout ça pour un match. Tu vois pas qu’y va pleuvoir toute la journée ! »
Et plus, je voulais affronter les giboulées, le vent, la pluie, la tornade. Un fou, j’me rendais bien compte de ma folie mais je voulais voir le SCUEB affronter l’ASSE. Même pas je me disais que le match il risquait d’être reporté, aouah, j’avais une idée en tête et pas ailleurs. Même Azrine, y pouvait pas me faire changer d’avis.
Tellement, que le bon dieu, il a eu pitié de moi. Y devait être à sec, plus une goutte à déverser sur Bab El Oued. Bien sur, ni une ni deux, je me suis mis en route. Quand je suis arrivé face au stade Cerdan où mon oncle, il habitait, j’avais les chaussures et les pieds dans un de ces états. Mouillés, c’est peu de le dire. Ma tante, elle s’est fait de ces mauvais sangs.
--« Mon fils, enlèves tes chaussures et viens que je te sèche les cheveux ! Et maman, elle t’a laissé partir avec ce temps souèd? »
Ma tante, comme toutes les femmes de la famille, elle était née dans la casbah, alors obligé elle parle mi-arabe, mi-juif et mi-français.
Elle sait, tata Rose que suis têtu comme une mule ou mieux comme un bourricot de la montagne. Mais elle appelle mon oncle et je les entends chuchoter comme si c’était des conspirateurs. Après bien des conciliabules, les voila qui sortent de la salle de bains où ils avaient été conspirer. Mon oncle, à la fin de la journée alors que le match il avait été reporté, y m’embrasse et y me donne rendez vous le lendemain pour aller m’acheter une paire de chaussures chez Rodger.
Le lendemain, je reconnais le sifflet de la famille (chaque bande, chaque clan, chaque famille, elle utilisait ce signe de reconnaissance typiquement méditerranéen qu’est le coup de sifflet ).
Devant chez Rodger, mon oncle y me demande de choisir dans la vitrine la paire (et oui, j’allais pas acheter qu’une chaussure, la paire c’est un minimum !). Je regarde, je juge, j’ai envie de choisir une paire qui fasse pas cucu-la praline mais ma mère, la pauvre, elle m’avait bien fait la leçon, surtout demande à Tonton des chaussures pas chères, t’ch’as bien compris. Je m’arrête sur une paire mi-cucu la praline, mi-fils à pèpe, mi-babao ! Mon oncle avec l’intelligence qu’on a tous dans la famille et le sens de l’observation très développé qu’il a, y me montre une paire de chaussure noire sans semelle pareille à celles d’Alain Delon dans « Faibles femmes ». Tonton Léon, il avait dû voir mon regard en biais et la bave qui coulait de ma bouche, qu’est ce qu’il fait ? Je vous le donne Emile mais moi je vous le vends Emile ? Y rentre dans le magasin et y demande à Rodger la paire que tous les amis j’vais m’en faire des ennemis tellement y vont être jaloux. Ba ba ba ! Le roi c’est pas mon cousin ! Après dix sept mille remerciements et tente cinq mille baisers à son Mazozé de frère, ma mère, elle me met en garde :
--« Attention, tu touches pas un ballon avec ! Tu montes te changer avant. Tch’as compris hein, mon fils ! Tonton, il est gentil hein ! Alors, prends en soin ? C’est pas des tennis ça ! Tu sais combien de vestons y faut qu’y fabrique, tonton, pour te payer une paire de chaussures pareille! »
Bardah ! Ma mère toujours y faut qu’elle exagère ! D’accord maman, je ferai très attention ! Je les regarderai seulement, moi aussi j’exagère !
Après quelques jours, j’avais étrenné mes chaussures. Sans shooter dans le moindre ballon, la moindre balle, le moindre caillou. Tout juste si je marchais pas sur les mains ! Comme un fils à pèpe !
Et puis, je monte à Maison Carrée faire un match de hand-ball avec mon école même que mon cousin c’était le goal de la sélection d’Alger. Mon prof de gym, y nous fait mettre les affaires dans un vestiaire fermé à clé. Tout le monde, on est tranquille. On tape le match, je suis moi aussi le goal et on gagne les doigts dans le nez. On a pas le temps de taper la douche algéroise mais la douche écossaise je la prends en pleine poire ; le vestiaire il avait été « visité » pendant le match et mes belles chaussures, elles s’étaient faites la belle. Le cataclysme qui s’est abattu sur moi et ma mère, c’est rien de le dire.
--« Comment on va faire pour le dire à tonton ? Tout cet argent jeté à la rue ? Aussi tch’avais besoin d’aller au stade en chaussures de ville ? Bou ala sardek ! »
Ma mère, quand vraiment elle en pouvait plus de mauvais sang, elle jurait en arabe, c’est bizarre, hein ?
Mon oncle, la gentillesse personnifiée, il a aimé mes chaussures sans semelles. Une semaine après, il est retourné chez Rodger pour s’acheter les mêmes. Dans la famille on a les mêmes goûts et les mêmes pieds !
Le dimanche suivant, y vient manger à la maison avec tata Rose, Jean Paul et Daniel. Sur le pas de la porte, y s’arrête et, fier comme Artaban y fait en montrant ses souliers sans semelles :
--« TAN TAN TAN ! »
Et avant qu’il ait le temps de dire quoi que ce soit, ma mère elle s’écrie : « Tch’as retrouvé les chaussures de Hubert ? »
Mon oncle raïeb, y s’est demandé ce qu’il lui tombait sur la tête. Reusement, ma mère, elle s’est vite reprise, on a parlé d’autre chose et Tonton, il a passé une journée souâ-souâ sans jamais connaître le fin mot de l’histoire.
FIN


 

De : Carmen ripollEnvoyer un mail

Le : 07/02/2025 09:43

Merci Stanis pour ton message pour annoncer le décès deJeannot Eposito, un enfant de notre cité des vieux moulins , parti trop tôt….


Notre chère Cité a perdu beaucoup de ses enfants qui faisaient crier Madame De Capol qui nous aimaient tant…

Il est allé rejoindre sa famille (dont son frère Sauveur tue a 20 ans dans les Aures) et tous ses amis d enfance
De la bas …..tant de bons souvenirs…

Repose en paix Cher Jeannot près des étoles …..

Je vous embrasse à tous…..Carmen du Bt B

 

De : Stanislas PandolfoEnvoyer un mail

Le : 05/02/2025 11:09

C'est avec tristesse que nous avons appris le décès de Jeannot Esposito.
Il était le "petit dernier" de la fratrie qui, comme beaucoup de familles de notre cher quartier, a vu, en peu d'années, disparaître bon nombre de ses soeurs et frères. Il ne s'était jamais remis d'une grave chute dont il avait gardé d'importantes séquelles.
Il était un enfant du bâtiment F de le cité des Moulins.
Je suis persuadé que tous les anciens de la Cité encore parmi nous auront une pensée émue pour notre ami et s'associeront à la peine de ses proches.
Repose en paix

 

De : Sid-Ali HamoucheEnvoyer un mail

Le : 01/02/2025 02:32

Bonjour,

C'est pour mettre à jour le texte suivant de la page:
https://www.neababeloued.fr/divers/divers_alger/

C'est l'enseigne de l'ancien hôtel et l'ancienne Galeries du Duc de Malakoff qui se trouve sur la rue de Bab El Oued entre la Mosquée Ali Betchine (Ex: Église notre Dame de la Victoire et la place des Martyres Ex: Place du Gouvernement. Cette galeries à trois issues une côté rue de Bab El Oued , une côté rue Jenina et une côté rue du Vieux Palais( cette dernière a été fermée suite à l'extension du célèbre café maure " Malakoff" . Célèbre par sa fréquentation de tous les musiciens et chanteurs Chââbi ( musique populaire algérienne) ce café n'existe malheureusement plus suite à la désertion de ses illustrés clients et habituées.
(photo de Mustapha OUALIKENE le 22/01/2018)

Voici une mise à jour:
Le passage Malakoff est ouvert de nouveau (Decembre 2024) ainsi que le café Malakoff avec sa superficie initiale. Le passage Malakoff donne sur la rue du vieux-palais et la fontaine du lion est maintenant visible depuis la rue de Bab-el-Oued.

 

De : La clique des MessageriesEnvoyer un mail

Le : 24/01/2025 22:19


erreur ....c'est le début de la FIN de nous Z'OTRES ......

 

De : balzanoEnvoyer un mail

Le : 24/01/2025 19:03


24 Janvier 1960 drapeau tricolore jeté d'un balcon des Messageries finira sur
les Barricades face à la grande poste de la rue d'ISLY taché de sang FRANCAIS
65 ans sont passés c'était le début de la FIN pour NOTRES ......
'


 

De : PARCQ RobertEnvoyer un mail

Le : 22/01/2025 12:12

Encore bravo aux auteurs ainsi qu'aux rédacteurs pour ce nouveau morceau d'histoire de notre quartier. Chapeau!!!!

 

De : rosette de la consolationEnvoyer un mail

Le : 21/01/2025 09:46

a l'attention de christian timoner
je ne sais pa si tu as eu la reponse a ton gentil message,car il m’est revenue un message que je ne pas décoder, j'ai juste compris ,désolé,
donc tout simplement,je te remercie beaucoup.
j'en profite pour vous souhaitez a vous tous une très bonne et belle journée.rosette bises.

 

De : Antoine/Tony BILLOTTAEnvoyer un mail

Le : 19/01/2025 09:37

IL ETAIT UNE FOIS BAB EL OUED -26- de hubert zakine
CHAPITRE 26
M¼URS ET TRADITIONS
LES QUARTIERS
LES MESSAGERIES
Bien avant la conquête, les coursiers de la régence d’Alger prennent leurs ordres à la résidence du dey. Forteresse plus sûre, la « Cassaubah » a supplanté le palais de la Jénina sous le règne d’ALI KHODJA. Les écuries du Dey se sont alors déplacées vers le mer. La caserne des Janissaires borde la future avenue Malakoff. La plage toute proche où s’ébattent les purs sangs arabes conservera l’appellation de « bains des chevaux » jusqu’à la construction du stade Marcel CERDAN en 1949. Auparavant, sa fonction fut préservée par les Maltais qui y faisaient la toilette de leurs montures.
Au même titre que nombre de quartiers de BEO, les Messageries sont une enclave au c½ur même du faubourg, un îlot au milieu d’un archipel, un territoire absolu, une petite Italie.
Née de l’imprudence maladroite d’un épicier Mozabite en 1927 qui abattit un mur de soutien afin d’agrandir son magasin, la démolition du quartier de la Marine dont l’insalubrité et le délabrement des maisons sont enfin constatés, offre aux locataires un relogement au sein de cinq groupes d’Habitations à Bon Marché de la Régie Foncière dont trois à Bab El Oued (Messageries, Malakoff et Léon Roches).

Le quartier des Italiens hérite ainsi d’appartements neufs, spacieux et aérés dont le regard se perd dans la Méditerranée. Tous les emplacements jouissent d’une situation exceptionnelle. La cité des Messageries débouche sur le front de mer dans une symphonie de bleu et de blanc qui concourt à l’embellissement de Bab El Oued.
La petite Italie resserre ainsi les rangs. On se retrouve en pays de connaissance. Le cercle de famille s’arrondit et ouvre ses bras pour accueillir les heureux élus de la Régie Foncière.
Chacun bénit le mozabite de la Marine. Grâce à lui, le premier pas vers la lumière est franchi. L’Eldorado fut long à se dessiner mais aujourd’hui, le chemin est tracé, la voie est ouverte. Le goût d’entreprendre est revenu.
Le quartier conserve son nom même si les Messageries n’existent plus. Le temps des coricolos, des galères et des diligences s’efface. Le tramway BONNIFAY tiré par 3 chevaux qui dépose ses voyageurs aux arrêts de Malakoff, Barchicha, Salpétrière, Consolation et Saint Eugène s’épuise dans les côtes. Bientôt, son image rejoindra d’autres pans de l’histoire du pays dans l’armoire aux souvenirs. Les Messageries prennent le train de l’émancipation française et l’essor du pays, de la ville et du faubourg rejaillit immanquablement sur le quartier. L’enseignement, la religion, la petite industrie, le commerce s’invitent, alors, aux noces de la modernité et de la tradition.
ANIS GRAS, PHENIX des frères KANOUI, LE GLOBE, LIMINANA, ANISETTE ROYALE des frères TAÏEB, BITON et ses pains azymes, AZURVILLE, ses parfums et ses eaux de Cologne diffusés dans toute l’Algérie, s’installent au sein de ce quartier « pas comme les autres ».

Un peu plus loin, la plus grande imprimerie de Bab El Oued, la TYPOLITHO que les Messageries considèrent comme faisant partie de la famille.
/////
Rue des Lavandières, la future école SIGWALT apprend la France aux garçons de Procida, Torre del Gréco et Naples. Elèves turbulents ou disciplinés, attentionnés ou désinvoltes, ils emmagasinent le savoir parler, écrire, lire et compter sous la baguette de maîtres sévères mais justes. Certains s’évanouissent de la mémoire collective sitôt l’année scolaire terminée. D’autres marquent de leur empreinte psychologique ou vestimentaire des générations d’enfants tel ce directeur métropolitain, Mr CAZAUBON avec son béret basque et son mégot de cigarette qui semble sécotiné à ses lèvres, l’impeccable Mr SERROR toujours tiré à quatre épingles ou bien Mr LIEVIN, footballeur à l’A.S.S.E qui commente tous les lundis les résultats sportifs du dimanche.
L’école des filles fait face à la Synagogue. Elle sort les fillettes de leur isolement où les cantonnent les « mamas » italiennes dans des tâches ménagères car « une bonne table et un bon lit gardent le mari à la maison, ma fille! ». Sitôt sorties de l’école, elles sont assiégées par les apprentis dragueurs de SIGWALT et si elles pressent le pas, leurs ½illades de midinettes encouragent les avances. Une des institutrices fait la une des journaux non pas pour son mérite pédagogique mais en sa qualité de maîtresse d’un professeur de gymnastique d’Algéria Sport qu’elle trucida et découpa en morceaux après l’exode. Rue de DIJON, la synagogue Samuel LEBAR voit défiler toute la communauté de BEO.
En plein c½ur de la « petite Italie » des Messageries, le Temple du judaïsme témoigne de l’entente cordiale qui règne au sein des quartiers d’Alger. On y célèbre la « Bar Misvah » qui ouvre les portes de la majorité religieuse à l’enfant de treize ans.
On s’y marie en empruntant au rite séfarade une liturgie spécifique datant des grands Rabbanim de l’âge d’or du judaïsme. On y prie, on y récite le « Quaddiche », la prière des morts, on y jeûne les jours de « Yom Kippour » que l’on appelle, par accoutumance et adhésion à la langue française, Grand Pardon , on y fête Pessah , la Pâque juive, on y pratique tout simplement le judaïsme.
Le gardien de la synagogue, qui est également le chemech en hébreu, revêt les jours de cérémonie son habit de lumière et son bicorne lui donne l’allure austère d’un académicien. Un terrain attenant la synagogue faisant office de stade, la jeunesse turbulente des Messageries lui procure souvent une migraine folle par les frappes répétées dans le but tracé sur le mur arrière du Temple. Magnanimes certains jours, les footballeurs glissent vers le square qui trône au beau milieu du boulevard de Champagne pour étancher leur soif de dribbler et marquer des buts. Ceci sous le regard bienveillant des agents de police du cinquième arrondissement, pour la plupart amoureux du ballon rond.
Un peu plus haut, LA POMPE, l’une des célébrités de Bab El Oued n’abreuve plus les chevaux et les habitants du quartier. Mais elle conserve la noblesse de l’art hispano-mauresque qui en fait un monument impérissable aux yeux de tous jusque dans les années 50 pour laisser place à une circulation automobile devenue pour l’époque, intense.
/////
Au fil des saisons, les enfants des Messageries larguent les amarres d’avec l’Italie, ce pays-passion dont leurs parents et grands-parents sont issus. Pleinement réussie, l’intégration pastellise les images d’antan. La France a fini par créer une nouvelle race que l’on nomme Européens d’Algérie. Plus tard, lorsque le vent de l’histoire fera son ½uvre déstabilisatrice, les LIGUORI, FASANO, GARGIULO, PAPPALARDO n’hésiteront pas à poser leurs valises en France métropolitaine qui fut pourtant la cible de leur désamour mais s’était enracinée dans leur inconscient. Très peu vogueront vers le pays de Dante pour tenter d’y enfouir leur chagrin.

Les Messageries ont vécu. Les murs ne répercutent plus les chansons napolitaines de Claudio Villa, Renato Carosone ou Marino Marini, l’école SIGWALT ne raconte plus la France des monts enneigés à des enfants en sueur, le café des Trois Avenues ne résonne plus d’engueulades de bonne santé mais du claquement sec des dominos dans une odeur entêtante de Kawah, ce breuvage très sucré datant de l’époque ottomane, la synagogue s’endort dans le silence d’une prière murmurée par un vieil homme solitaire à barbe blanche de prophète. Mais de la mémoire des hommes renaît ce quartier bien au-delà des mers, des frontières et des cimetières jusqu’au dernier soupir du dernier de ses enfants. Au delà de la vie!
/////

https://hubertzakine.blogspot.com/2011/05/il-etait-une-fois-bab-el-oued-26-de.html

 

Envoyez un message