Né à Bab El Oued - 1948 - ALGER

 

Bibliothèque des trois horloges

bibliothèque des trois horloges

Fil des billets - Fil des commentaires

Pierre-Emile BISBAL

L’enterrement.

Les premières sont les femmes. Par petit groupe elles s’approchent de l’église Saint-Joseph. Toutes de sombre vêtues avec une mantille ou un foulard sur la tête. Enroulé autour de la main qui tient le missel gonflé d’images pieuses, le chapelet familial. C’est important que ces femmes soient-la. Elles le savent et tiennent leurs places avec solennité. Il se forme des îlots qui, au gré des saluts qu’elles se portent, s’agglomèrent et grandissent. Elles se frôlent la main ou l’épaule dans des gestes apaisants. La fille agrippe le bras de sa vieille mère et, pour la soutenir, le tien serré contre son flanc. Bientôt nul ne pourra ignorer que cet après-midi il y a un enterrement.

Maintenant arrivent les hommes. Par hommage à celui qui n’est pas encore là ils ont endossé le costume des instants tristes. Ils regardent de droite et de gauche comme pour s’assurer que personne ne manque. Pour ne pas fendre la foule ils se saluent de loin en levant lentement le bras. Cette attente obéit à un ordre établi qu’ils ne veulent pas déranger. Ils n’ont pas de larmes ou tout du moins pas ici. C’est surprenant cette foule qui parle à voix basse, avec retenue alors que d’habitude le moindre petit groupe claironne et gesticule comme il sied à de bons méditerranéens. Les marches qui conduisent au parvis de l’église Saint-Joseph accueillent les proches de la famille. Là, les larmes des femmes coulent déjà. Un véhicule noir, barbare, lent, caparaçonné de fleurs s’approche et fait halte devant l’église. Il traîne la famille derrière lui. La veuve, soutenue par les enfants, s’accroche à eux comme pour ne pas être aspirée par sa douleur. Les couronnes mortuaires et leurs lettres en métal argenté ou doré disent les chagrins en des mots convenus. Le puissant soleil de ce début d’après-midi arrache des reflets aux vitres et à la carrosserie du monstre. C’est le même soleil qui, plus loin enveloppe les plages et réchauffe les baigneurs. Les cloches sonnent un rythme grave et lent. Six hommes, costume noir, cravate noire, casquette noire, sortent le cercueil. Gestes lents et automatiques. A la porte de l’Eglise, Castera, le prêtre s’avance. Le respect prend alors le visage d’une foule qui se fige. Un peu plus haut, sur la droite à la devanture du café les clients sortent et se découvrent. Les boulistes interrompent leurs parties comme si le heurt du fer contre le fer devenait indécent. Ceux qui sont assis se lèvent. Les enfants cessent leurs jeux. Le ballon est pris en main. Les courses stoppent. Les passants restent immobiles. Il n’y a que les martinets, insensibles à l’instant qui continuent leurs vols nerveux et imprévisibles. Le silence se mêle à la chaleur. Le drame imprègne chacun de nous. Un peu fade, déjà passée l’odeur des fleurs se répand. Le lourd coffre de bois tangue sur les épaules des porteurs. Ca fait comme un simulacre de barque. Le mort entre dans l’église. Le chagrin le suit pesant sur les épaules et les cœurs de ses proches. Puis, à pas lents, dans un cheminement méticuleux, tous s’engouffrent dans la nef pour montrer à celle qui reste combien celui qui part mérite qu’on chemine une dernière fois à ses cotés.

Les deux énormes battants de bois se ferment. C’est un signal qui dit « Allez, vous pouvez retourner chacun à vos occupations » Le café se remet à bruisser comme une ruche. Chapeaux et casquettes recouvrent les crânes. Les promenades reprennent. Un entre-deux fait redémarrer la partie de foot. Les boules cuivrées se heurtent de nouveau.

Je ne sais pas qui est mort et beaucoup, comme moi, l’ignorent. Il n’est pas utile qu’il soit connu de tous pour mériter notre hommage. Cela tient au fait que le peuple Pieds-Noirs s’est construit sur le déracinement. Issue de groupes différents nous avons bâti notre propre identité sur cette terre d’Algérie. Alors nous savons ce que vaut chaque individu et à quel point il est important pour la communauté. Notre respect n’est pas du à la crainte de la mort, c’est la reconnaissance de tout ce qu’a accompli celui ou celle qui part. Ce respect comme notre singulière exubérance, signent notre perpétuelle déclaration d’amour à la vie.

Merzak TAMENE

Rue de Dijon

Il y avait une atmosphère particulière dans ce bout de quartier.Surtout le coin Colmar-Dijon avec la pierre de Mme Maurice,qui existe toujours.Il y avait les familles Addadaine et Garcia,les plus anciens,mais beaucoup d'autres, que cette page ne suffirait pas pour les nommer tous. Mais ils se reconnaitront.Nous citerons quand même Mr.Robinet le peintre,et son fils Pierre Louis "le nerveux" qui était toujours OUFA avec Georgeot,car il lui disait "tu es habillé à la 6-4-2" Tout un monde hétérogène et bigarré.

Il y avait les cafés.Lieux de rencontre, pittoresques.Même quand il y avait une "Baroufa" à la sortie du stade ou au marché,cela finissait toujours autour d'un verre(ou plusieurs),quelques,tramousses,variantes et autres kémias.Il y avait les boissons des grands,qui sont assez connues,et que je ne citerais pas,mais pour nous,il y avait Vérigoud,Zerka,Cruch,Slim"le citron qui prime" Orangina avant que l'on ne plastifie le contenant,et d'autres marques disparues. Il y avait aussi Mangiapani Joseph,muet,une force de la nature. Gamins,on s'accrochait à 2 ou 3 au bout de son bras tendu.Il travaillait dans une biscuiterie,et nous ramenait des sachets remplis à ras bord. Lui et son ami,blond,muet aussi étaient du quartier de Seksek, Liguori,Such,Meraga et les autres...(Bonjour à tous)

Il "faisait" les oursins à l'aide d'une fourchette aplatie,et une corbeille en osier entoutée de liège aux environs de l'Eden. De temps à autre,on tapait KAO pour aller à la carrière Jaubert,ou aux 200 collones, édifice construit au temps de Chevalier par Pouillon. A chaque passage à Alger, je suis assailli par ces souvenirs avec une étrange sensation de bonheur et de peine. Bon week-end à tous et à toutes. .Tamene Merzak.

Pierre-Emile BISBAL

L’apéritif

On revient de la plage. Mon père a « fait des d’oursins ». Pour les ramener, nous les avons mis dans le sac des affaires de plage. Un grand sac à rayures orange et blanche que ma mère a confectionné. On a vidé le sac sur la table de la cuisine. Les épines sombres et violacées s’agitent encore. Ma grand-mère décrète que l’on va manquer de pain pour tous ces oursins et mon oncle se propose d’aller en chercher. –« Je viens avec toi tonton ». Le temps de sauter dans mes mévas et je le rattrape dans la cage d’escalier. Dans la rue il fait encore chaud car la brise de mer qui se lève ne s’est pas encore faufilée dans l’avenue de la Bouzaréah. La boulangerie allait fermer, mais il reste un pain que je porte comme un trophée en traversant la rue. Sur le trottoir mon oncle pose sa main sur ma tête et déclare :- « Viens, je te paye l’apéritif ». Il me tire par l’épaule et je me retrouve dans le café. C’est ma première fois. On se dirige vers le comptoir. Mon oncle me soulève pour que je puisse m’asseoir sur un grand tabouret à l’angle du bar. Tonton prend une anisette et, pour moi, le serveur dose un sirop d’orgeat dans un verre identique à celui de mon oncle. C’est comme si on buvait pareil. Puis une dame sortie de derrière un rideau fait avec des perles de bois de toutes les couleurs installe des petits ramequins pleins de kémia. Des olives vertes et noires, des carottes à la juive, des cacahouètes grillées avec leur petite peau fine et brunâtre, des variantes gorgées de vinaigre, des poivrons au four et de la soubressade. La dame revient et pose devant moi un petit charlot en céramique qui tire son chapeau et sa tête est pleine de cures-dents en bois. Mon oncle discute avec Gaby, un de ses copains car il a besoin d’une pièce en cuivre pour son petit voilier. C’est bien l’apéritif au café. On déguste les mêmes choses qu’a la maison mais personne ne vous dit :

« Mâche bien les olives ! » « Attention de ne pas avaler le noyau ! » « Ne prend pas les carottes dans ce plat, c’est les piquantes ! » « Tu t’es gavé de cacahouètes, tu vas rien mangé ce soir ! » « Tu arrêtes avec les variantes, c’est plein de vinaigre tu vas être malade ! » « Mange pas la peau de la soubressade ! ».

Tout en puisant alternativement dans chaque plat je me délecte du spectacle. Tout le monde fume, ou presque et ça fait un reflet bleuté qui s’étire entre le sol et le plafond. Dans le fond du bistrot se joue une partie de baby-foot serrée. Les joueurs sont cassés en deux au-dessus des barres qui portent les figurines de bois. Ils se redressent brusquement quand ils ont tiré ou bien bloqué un but ou une passe. C’est la fin. Au geste rageur et dégoûté que fait l’un d’eux pour repousser les boules rouges qui marquent le score on comprend qui vient de perdre. Le groupe se retrouvent au bar et commande une nouvelle tournée. Les gagnants chahutent les perdants qui invoquent une déveine implacable. La place au baby ne reste disponible que quelques secondes. Claquement sec de la tirette. Chute des boules. Un s’essuie les mains sur son pantalon, l’autre enlève ses lunettes et les glisse dans sa poche de chemise. Un nouvel affrontement peut avoir lieu.

Tous ces hommes parlent haut et fort. Les mains et les bras s’agitent pour mieux souligner la discussion. Parfois, au dessus de cet océan de bruit, surgit une vague plus forte que les autres. C’est un grand éclat de rire à la fin d’une histoire ou un surnom crié pour saluer l’entrée d’un habitué.

Mon oncle me redescend de mon tabouret. -« Allez, on file, sinon on va ce faire incendier ». Dommage il reste encore plein de kémia dans les raviers. On grimpe les escaliers en courant. Arrivée devant la porte de l’appartement mon oncle trace un « X » sur sa bouche avec son index, ça veut dire ne rien raconter de notre escapade au bistrot. On scelle notre pacte de silence par un « tape cinq ». On sonne. Mémé vient ouvrir. Tonton dit qu’il a fallu « aller à Dache » pour trouver du pain à cette heure. J’ai bien vu que ma grand-mère Ascencion ne l’avait pas cru. C'est normal car c'est sa mère, moi aussi je n’arrive pas à mentir à ma mère.

Pierre-Emile BISBAL

Le cimetière

-« Et tiens-toi bien ! » . Ma grand-mère vient de me donner l’ultime conseil avant de passer le seuil du cimetière de Saint Eugène. Ce n’est pas rien le cimetière. C’est un lieu ou il faut être digne. La preuve, on m’a mis une bel chemise, de l’eau de Cologne et j’ai du me peigner. Nos morts sont-la. Une lourde pierre sur eux, comme pour les empêcher de partir une seconde fois. D’ici, on voit tout, c’est ce que tout le monde dit. Ce n’est que bien plus tard que j’ai réalisé à quel point la vue était magnifique. Cette colline qui ne peut se retenir de dévaler vers la mer. Cet horizon, ouvert à perte de vue. Une mer offerte comme un cadeau. La chaleur qui trouble les détails. Les maisons et les immeubles qui partent à l’assaut de la pente. L’odeur forte des plantes. Mais, à sept ans ce ne sont pas choses que l’on remarque.

Depuis que je sais lire, j’aime bien accompagner ma grand-mère au cimetière. Je file entre les tombes, dans les différents secteurs du cimetière et je déchiffre les noms. On dirait la liste d’appel de la classe.

Aujourd’hui, nous sommes venus voir mon oncle Jean-Pierre, mon oncle paternel. Il est mort à la guerre, six ans avant ma naissance. Il est mort pour la France, c’est marqué sur la tombe. A chaque visite, le rituel est le même. Ma grand-mère pose un baiser sur sa main, ensuite elle caresse doucement la photo un peu bombée en émail. C’est la même photo que celle dans le cadre de cuir rouge foncé sur la cheminée de sa chambre.

Puis elle sort une petit éponge et des chiffons d’un sac en maille qu’elle a elle-même confectionné au crochet. C’est pour moi le signal d’aller jusqu'à la pompe et de rapporter un arrosoir en zinc. Il ne faut pas que je le remplisse entièrement car je ne pourrais pas le porter. Je le tiens loin de moi pour ne pas maculer ma chemise. Elle verse l’eau sur la tombe, doucement et elle nettoie la pierre par de petits frottements circulaires. Elle lave cette tombe comme elle lavait son fils quand il était bébé. Je vais chercher un autre arrosoir. C’est pour rincer. La chaleur chasse l’eau sur la dalle. Alors, cette toilette effectuée ma grand-mère s’assoit sur la pierre. C’est à cet instant que la dame est venue. On ne la connaît pas cette dame… jamais vue. Elle à juste posée une question à ma grande-mère :- « C’est votre fils Madame ? » Ma grand-mère a répondu mais sans dire oui. Elle a juste bougé la tête et bloqué un sanglot. - « Le mien est plus haut », a expliqué la dame. « Vingt ans… A Colmar ». Ma grand-mère s’est levée. Elle a pris la dame par le bras et elle a dit : « Allons le voir », puis elle s’est retournée vers la tombe en disant :-« Jean-Pierre, je reviens ». Nous sommes allés sur la tombe de la dame. La aussi c’est marqué « mort pour la France ». Il s’appelle Baptiste. Elles ont parlé ensemble, doucement, comme pour se dire des secrets. Leurs mouchoirs roulés en boule bloquaient leurs larmes. C’était long. Je me suis assis sur une tombe et j’ai sorti une petite voiture de ma poche. Une dauphine. Je l’ai fait serpenter entre les lettres gravées sur la dalle. Pendant ce temps la, en face de moi, deux mères innocentes subissaient la plus grande cruauté inventée par des Dieux déments : Perdre un enfant. Quand elles ont terminé d’échanger leurs malheurs nous sommes partis. On est passé récupérer le petit filet, l’éponge et les chiffons. On a dit au revoir à mon oncle et ma grand-mère a encore embrassé la photo. La vie nous a rattrapés quand nous sommes sortis du cimetière. :-« Ne cours pas devant Pierre-Emile !». Je suis vite revenu auprès de ma grand-mère. Elle avait cessé de pleurer, mais ça faisait de grandes traces rouges sous ses yeux bleus. J’ai pris sa main et j’ai fait un petit baiser. Avant de remonter à la maison elle m’a emmené chez Coco et Riri. Madame Tuduri , derrière son comptoir, m’a affirmé que j’étais beau comme un astre. :-« On est allé au cimetière », j’ai répondu.. J’ai eu droit à deux sachets de bibérine, un rouleau de réglisse avec un gros bonbon au centre, un coquillage à sucer et des cachous dans une petite boite en carton qui fait domino. C’est toujours comme ça quand on revient du cimetière.

Pierre-Emile BISBAL

Les boulistes

Le boulodrome étirait ses différentes pistes sur un des cotés de la Place Lelièvre, juste derrière le kiosque. Quelques rares fois, le jeudi après-midi, tenant la main de mon grand-père, je franchissais le portail. Je n’allais guère plus loin. Je m’asseyais de suite à droite de la porte. Le fait d’être admis dans cet espace exigeait de ma part de me faire oublier car les enfants ne devaient pas en passer le seuil. C’était inconfortable, mais, être la, c’était autre chose qu’un match de foot ou une partie de billes dans la rigole de ciment.

Les boulistes étaient différents l’après-midi et le soir L’après-midi, c’étaient des « vieux », comme mon grand-père. A cette époque et à cet endroit être vieux ce n’était pas péjoratif ou discriminant. Au contraire, être vieux vous apportez respect et attention. Donc, vers dix neuf heures, les équipes changeaient de profil. Les parties se disputaient alors entre joueurs rentrant de travail. Je préférais nettement l’ambiance de l’après-midi. Le soleil plombait le tuf recouvrant le terrain. Il s’en exhalait une odeur un peu acre. Le jeu obéissait à un rythme plus lent car la chaleur et l’age des joueurs ralentissaient chaque mouvement. Chacun s’épargnait une gesticulation inutile ce qui donnait à tous une solennité patriarcale. Joueurs et spectateurs étaient impeccables. Ils portaient la large casquette ou le béret qu’ils soulevaient à intervalles réguliers pour s’essuyer le crane et le front.. Le pantalon remontait haut sur le ventre. Dans ce quartier ouvrier certains n’avaient pas abandonné le « bleu de chauffe », pourtant l’on sentait que l’habit bleu, trop net, ne côtoyait plus le chantier ou l’atelier. Mais, au-dessus de tout ça il y avait le pliant. Allez savoir pourquoi, je rêvais d’un de ces petits pliants de toile à rayures multicolores et armature de bois. C’est avec envie que je les voyais s’installer aux endroits qu’ils jugeaient les meilleurs, soit pour l’ombre du kiosque, soit pour ne rien perdre des phases de jeu.

Avant chaque coup, le chiffon jaune ou le bout de peau de chamois débarrassait les boules d’une pellicule de poussière gris blanc. Par contre les chaussures et les espadrilles ne pouvaient y échapper. Quand un coup était joué, qu’il soit raté ou réussi, le juron du bouliste s’exprimait dans un souffle comme s’il avait du mal à passer la barrière des lèvres. L’assistance, elle, murmurait ses commentaires et parfois applaudissait. Cette pudeur s’expliquait certainement par le fait que, l’après-midi, la place Lelièvre, accueillait mamans et mamies et que, joueurs et spectateurs du boulodrome se contenaient pour ne pas heurter de chastes oreilles. Le soir c’était une autre paire de manche. La placette se vidait et le boulodrome retrouvait une trivialité toute méditerranéenne. Du balcon de mes grands-parents dont l’appartement se situait juste au-dessus de chez Coco & Riri, j’entendais avec délectation tous ces jurons rageurs ou jubilatoires. Je faisais provision de toutes ses imprécations avec la ferme intention de m’en servir plus tard.

Alfred LANGLOIS (Freddy)

A Etoile

Bonjour

Je me rapelle, bien sur, des Rameaux, malgré que ces souvenirs remontent à près de soixante ans.

Donc, quelques jours avant ce fameux dimanche nous étions chargés, mon frère José et bibi, de nous procurer deux morceaux de roseau secs, d'environ 60 à 70 centimétres de long pour un diamétre d'à peu prés 2 cms. Mon père, ébéniste de son métier, de ce fait assez adroit, ébarbait soigneusement les dits roseaux, ensuite, à l'aide d'une vrille, il pratiquait plusieurs trous en quinconce le long de cette tige, en prenant soin de "démarrer" à 20 ou 25 cms du bas.

Dans chacun de ces trous il adaptait un fil de fer assez rigide de 30 à 35 cms, au bout de ces fils il confectionnait une boucle, les dits fils étaient repliés vers le haut pour faire un angle aigu avec le "tronc". L'habillage de toute cette armature était réalisée avec du papier alu provenance de tablettes de chocolat ( aie, aie, aie, il n'y en avait pas souvent), ou alors des embalages doubles de certains paquets de cigarettes. Cet habillage était complété par du papier crépon de couleurs différentes, si possible.

Au haut du roseau était confectionnée une ganse en forme de ? comme pour un cintre.

Voilà, maintenant il fallait garnir l'ensemble, tout en haut : une orange, et à chaque bout de fil de fer une friandise, soit un sujet en chocolat ou un petit paquet de bonbons, enfin tout ce qui pouvait etre dégusté par nous enfants. Le jour des Rameaux, nous voilà partis pour l'église SAINT LOUIS afin de les faire bénir.

Nous n'étions pas peu fiers les deux frangins de brandir ces "arbres merveilleux.

Bien sur, à l'église, il y en avait de bien plus beaux (achetés dans le commerce) mais, sans contexte, pour nous LES PLUS BEAUX , c'était les notres.

Après la cérémonie il manquait, quelquefois, un sujet que nous avions "grignoté" en cachette.

Sitot rentrés à la maison (2me étage du batiment A) les rameaux étaient suspendus au lustre de la salle à manger, aprés le repas dominical nous avions le droit de les entamer.

AH ....QUELS DELICES.... ET QUELS SOUVENIRS !

Freddy

Pierre-Emile BISBAL

Je dois toujours cinq centimes à mon instituteur du cours élémentaire 2eme année, Monsieur Fredj. Ecole Lelièvre. Cette dette correspond à une boite de plume Sergent-Major. J'étais tombé "en panne" de cet indispensable instrument de travail. Dans ma trousse, la boite de plume était vide et Legendre, mon voisin de table avait refusé de m'en "passer" une. J'avais levé le doigt et avec la peur au ventre j'avais avoué ne plus pouvoir écrire. Monsieur Fredj s'est avancé vers moi. Il a posé sur la table une petite boit cartonnée avec cinq plumes dedans.

-" tu demanderas cinq centimes à tes parents pour les plumes et surtout, à l'avenir tu viendras en classe avec ton materiel !"

-" Oui, M'sieur", j'ai dit..

L'instituteur ne partait pas. J'attendais la suite.

-" A la récréation, tu "feras" l'encre. Tous les encriers devront être remplis. je veux du travail propre." Ouf, j'échappe au cinquante lignes " je dois venir en classe avec toutes mes affaires" C'est la récré, Monsieur Fredj m'a donné une dose de poudre violette à dissoudre dans une bouteille d'un litre. La bouteille a un petit verseur comme les bouteille d'apéritif. Je suis allé la remplir au grand évier blanc qui se trouve dans la cour. J'ai bien agité le mélange. Je suis retourné dans la classe. Un à un j'ai rempli tous les encriers. Monsieur Fredj est resté dans la classe pour corriger des cahiers et de temps à autre je sens son regard sur moi. Je m'applique et je mesure tous mes gestes. Le maître m'a fourni aussi un petit chiffon en cas de débordement mais je n'ai pa eu à m'en servir. C'est fini et sans catastophe. J'ai rangé la bouteille dans l'armoire, tout en bas avec les boites de craies. C'est juste la fin de la récré. Monsieur Fredj sort pour faire mettre tout le monde en rang. Je le suis. Il quitte la classe avant moi. J'en profite pour cracher sur le banc de Legendre. Je n'ai jamais réglé ma dette, car le lendemain une bombe explosait dans l'école et mes parents m'envoyait en Métropole. Si quelqu'un croise Monsieur Fredj (ou un de ses descendants!), qu'il lui dise bien que je veux régler ma dette.

Alfred LANGLOIS (Freddy)

Bonjour à tous les babelouédiens.

Ah les figues de barbarie, j'en ai mangé ce midi au dessert (acheté à Intermarché, origine : Espagne ou Italie) . Nous , dans notre quartier, 30 et 32 rue Léon Roches, nous avions deux techniques, une avouable : à l'aide d'un long roseau fendu en 4 à une extrémité, dans laquelle nous enfilions une pierre et attachions le tout avec un bout de ficelle de récupération. Voilà la première étape. Ensuite, de bonne heure, au lever du soleil alors que la rosée n'était pas encore évaporée, nous nous rendions au bas du champ d'Ali et à l'aide de notre roseau ,appareillé, nous ceuillions les figues d'un bref coup de poignet. Pour éliminer le maximum d'épines nous les roulions dans la terre. La deuxiéme méthode, moins avouable, consistait à les "sarraquer" au marchand ambulant qui passait régulièrement dans la rue. La méthode était simple et bien au point, une partie de la bande entourait la charette du vendeur, feignant de négocier le prix, et 2 ou 3 "filous", se tenant accroupis, passaient une main preste et attrapait un fruit, quand la quantité était suffisante nous nous "envolions" tel une volée de moineaux. Ensuite à l'aide d'un couteau de notre fabrication à l'aide d'un morceau de cerclage en métal (cerclage des caisses en bois, à l'époque), nous prélevions la partie double qui reliait les deux extémités du dit cerclage et affutions sur le bord du trottoir un des bouts. Voilà : trois coups de couteau et la figue était prete à etre dégustée. Ah ! qu'elles étaient bonnes...... surtout celles "sarraquées". Freddy

Georges GARCIA

Bonjour à tous. Histoire de cerf volants.

Mustapha Boucetta et moi aimions faire voler des petits capucins en révant d'avoir un VRAI GRAND cerf volant comme ceux qu 'on admirait le dimanche sur le terre plein près du stade Cerdan. UN jour nous primes la décision d'en construire un,mais alors un si grand que les autres en baveraient d'envie... Etape1:On monte à la Cara Moussa couper de bons roseaux,au passage on attrape 2 ou 3 Matchos,gros criquets verts que l' on faisait voler un fil à la patte. Etape2: On casse la tirelire pour en extraire qq pièces de "cent sous" (5 anciens centimes) et ns voila partis chez Bloget et Cocoriri en quète du matériel. Etape 3:Avec les conseils de mon papa la contruction savante démarre en investissant le couloir du 1 de la rue de Dijon (chez ns c'était trop petit),stucture hexagonale,ailes frangées comme les costumes des cow boys ,flèche aubanée,compas pyramidal,et longue queue équilibrée par un pompon multicolore: Une semaine pour creer cette BETE de course!... Qu'il était beau avec sa voilure aux couleurs du Galia ,les ailes du Mouloudia,la queue de l'OHD(A vous de vs rappeler...ou langue au chat ?). Etape 4:Le jour J arrive,tout est au rendez vous,d'abord le vent,du terre plein vers El Kétani :Survol de la mer !(voir pour certains la photo en couleur d'accueil du site),puis les enfants du quartier ,Tous les passants nous regardaient porter ce monstre plus grand que nous et non sans fierté ns ralentissions l'allure comme au Corso fleuri jusqu'au lieu d'envol: le terre plein. Et hop....Patatra!... Et oui,il y avait tellement de vent sur une surface surdimentionnée que notre chef d'oeuvre n'a pas vécu plus d'une minute ,la ficelle a cassé et nous avons regardé tomber en pleine mer notre réve .Nous fumes la risée des mioches du quartier,nous sommes vite rentrer à la maison,confus mais contents d'avoir fait le plus joli cerf volant du quartier. Conclusion:BEO n'a rien à envier à RIO n'est ce pas Mustapha? Epilogue:S'il avait volé normalement,cette historette ne serait pas restée en mémoire , J'aurais été privé de la joie de vs la conter aujourd'hui .TCHAO A+++ GG

André TRIVES

Hier 1° octobre 1951, c'était la rentrée des classes à Bab el Oued. J'ai quitté la maison du 4 rue des moulins, habillé sur mon 31, sous les recommandations protectrices de ma mère ponctué par un baiser d'adieu qui sonnait ma liberté retrouvée. J'ai remonté la rue d'un pas précipité portant le cartable encore allégé de l'an dernier; "il fera bien encore une année " m'avait rappelé mon père. Les commerces de la rue étaient ouverts et mon sourire renouvelé saluait les voisins qui m'avaient vu naître dans le magasin de vins de mes parents 10 ans auparavant. Il y avait Slimane et Omar les charbonniers, Abdel le restaurateur qui embaumait la rue dès 7 h en préparant sa loubia, Tolsa le chemisier, Vidal le chausseur, Mutti le coiffeur, les clients attablés au café de l'Etoile Blanche en dégustant un thé à la menthe, le laitier Nia et son petit lait apprécié des amateurs de l'aigre-doux, la boulangerie Garcia qui servait la calentita coulante dans un petit pain à 10 centimes avec brûlures de la bouche garanties,Morali le marchand de vêtements, Cohen l'épicier, et bien d'autres qui alimentaient les vitrines alléchantes de leur boutique. A l'angle du marché, un jardin d'odeurs et de couleurs qui ressemble à une ruche d'abeilles au travail, j'ai accéléré le pas en empruntant la rue de Chateaudun, j'ai plaisanté avec Loukhal, le fils du marchand de poules avec qui je joue au foot dans l'équipe minime du Sporting. Enfin tout au bout, la Place Lelièvre avec son kiosque à musique surmonté d'un palmier donnant des cocosses sucrés jaunes orangés, m'a fait saliver de bonheur à l'idée des retrouvailles qui marquaient ce jour de rentrée. Retrouver son école, sa classe, c'est retrouver l'école et la classe qu'avaient fréquenté nos parents. Retrouver les maîtres, c'est retrouver les enseignants de nos ainés. Retrouver les copains, c'est retrouver les parties de rigolade de l'année précédente. Hier, pour cause de premier jour de rentrée, la place Lelièvre était calme; mais chacun pensait déjà à la saison des jeux qui enthousiasmerait l'école et le quartier au cours de l'année. Les parents présents calmaient leur progéniture, la partie de foot sera pour demain. Produit de l'imagination féconde de générations d'enfants, les jeux se calquaient sur les saisons avec des règles établies acceptées par tous et revenaient chaque année à la même période avec un mimétisme collectif ahurissant. Dans toutes les écoles, dans toutes les rues, sur toutes les places, sur tous les trottoirs, dans toutes les cours d'immeubles de Bab el Oued, le quartier comptabilisera encore cette année des tonnes de noyaux d'abricot pour jouer au tas, des tonnes d'osselets de gigot, des tonnes de figurines de boîte d'allumettes pour jouer aux tchappes, des tonnes de balles fabriquées en chiffon ou en papier mouillé compactées d'une ficelle, pour jouer au foot, des roues de vélo usagées servant de cerceau, des carrioles bricolées de vieilles planches et dévalant les pentes sur leurs roulements à bille, des canouttes en roseau servant de sarbacane, des taouettes pour chasser les oiseaux, le jeu de la galette et du couteau, les capsules de sodas pour jouer aux déraillés, les sacs de billes pour jouer à tuisse, la terre glaise pour jouer à la coca, les toupies avec un gangui renforcé, le jeu du carré arabe, les 5 roseaux pour jouer au mikado, fanfan vingua pour les garçons, mère que veux-tu et la marelle pour les filles. Sans parler du jeu que les garçons proposent au filles: jouer au docteur. On peut dire que Bab el Oued possède la plus grande faculté de médecine en la matière. En ce premier jour de classe, le rituel de chez "Coco et Riri" n'a pas changé. Une meute d'enfant harcelant les comptoirs du magasin et s'égosillant pour acheter juste avant d'entrer en classe: "Msieur une biberine", "Msieur un caramel Fausta", "Msieur un globo", "Msieur un bonbon à 1 centime". Le tout s'ajoutant au tintamarre des pingfoots de l'arrière salle, on a l'impression d'une révolution mexicaine. La cloche a sonné et Mr Nadal s'est pointé sur le parvis tout en tirant des bouffées de sa pipe légendaire pour calmer l'ardeur des enfants et faire respecter le tableau d'honneur des instituteurs morts pour la France situé dans le corridor d'entrée. L'appel s'est effectué dans la cour sous les panneaux de basket tandis qu'au premier étage, les cours complémentaires qui attisent notre curiosité, se sont alignés le long des classes. J'ai été dirigé dans la classe de Mr Foletti qui avait été le maître de mon frère Jean Claude et ma joie a été immense de constater l'équipe de copain qui m'accompagnait. La journée est vite passée, un peu guindé dans mes vêtements et chaussures neufs. La sortie s'est faite dans l'alégresse de la liberté retrouvée. Avec la liste des fournitures il ne fallait pas perdre de temps: Bloger, Delacaze ou Réveil avenue de la Marne ont vite été pris d'assaut par des milliers de parents. Après avoir recouvert les livres et les cahiers de papier bleu, puis écris mon nom sur les étiquettes à la plume sergent major, je me suis endormi en pensant à cette vie scolaire merveilleuse qui allait durer jusqu'au prochaines vacances.

- page 33 de 39 -