Né à Bab El Oued - 1948 - ALGER

 

Guy BALZANO

Les dents de la mer à l'est de l'eden vécu par 3 oualiones des messageries ce dimanche a;midi(1960) entrainait par CASABURI Pierrot (installé prés de Lyon) et CALSTELANA J.Marie(aucune traçe de lui depuis 1962). Je me truve sur la plage de l'Eden pour taper un bain, et voir des filles de la cité Malakof.

Equipé de palmes neuves(Watersport) , achetées chez ZAFRAN (prés du majestic), mes 2 copais décident de nager jusqu'au rocher à env 100m de la plage. Ce fameux ruisseau traversant la plage venant on ne sait d'où? Les détails de mon copain de classe SUCH (pardon MICHEL) dans son précedent message sur l'Eden réunis ; ne m'attrirait pas trop vers l'Eden. Mais enfin... y avait les filles...

Arrivés avnant moi sur le rocher(je n'avais pas de palmes), mes 2 copains me repoussaient à chaque fois que je voulais grimper ; finalement des appels et des cris venant du parapet du Bd Pitolet détournant leur attention me permet de monter.

Sur le Bd, les gens faisaient des grands gestes et des cris : en se retournant regarder vers le large une masse noire avec un aileron dépassant d'1 mètre le niveau de l'eau, se rapprochait du rocher. Chkapa toute ! je suis arrivé avant eux sur le sable ! ce gros cétacé, mesurait env. 8 à 10 mètres, car il est resté plusieurs jours sur le sable pourissant au fond de la plage. je vis à MARSEILLE depuis 1962, mais c'est une histoire de BAB EL OUED

Pierre-Emile BISBAL

Les oursins

Trois pyramides sombres, sur trois grands plats ovales occupent le centre de la table. Un arôme singulier, franc et plaisant s’en dégage. C’est un parfum de mer, comme le soir au bord de l’eau quand, après une journée de chaleur, tout le rivage exhale ses odeurs. Ma grand-mère et maman, munies chacune d’une paire de ciseaux pointus ont découpé la partie supérieur de leurs carapaces sphériques armées de piquants. Avec un geste sec du poignet elles les ont secouées pour vider l’intérieur de ce l’on ne mange pas.

« Ils sont bien pleins » constate ma grand-mère

Les oursins c’est le moyen idéal d’oublier que le dimanche se termine. Mon père en a ramassé plein pendant notre après-midi de baignade. Il est allé un peu plus loin que d’habitude. Au bout de la pointe des rochers. Je suis encore trop petit pour l’accompagner, c’est ce qu’il m’a dit. Sur la plage, maman, un peu soucieuse, s’est plusieurs fois levée pour guetter son retour. Quand elle regarde au loin elle me demande «Tu vois papa ? ». Enfin elle constate avec soulagement : « Voilà ton père qui revient ! » Pour ne pas que les oursins s’abîment en attendant l’heure du retour, papa a immergé le sac en coinçant la corde sous un gros caillou

Maintenant ils trônent sur notre table, à notre merci. Dans chaque oursin, cinq tranches d’une belle couleur corail tapissent les parois de la coque. Elles partent du centre et remontent sur les bords. Dans leur petite coupelle naturelle, elles s’offrent à la dégustation. Elles forment une étoile exquise qu’il faudra savourer précautionneusement. Au préalable, je prépare quelques languettes de pain un peu comme pour les œufs à la coque. Je prends une tranche de pain assez fine qui servira à cueillir « la langue » orange un peu granuleuse. Je la place en bas de « la langue » et je remonte en vrillant un peu le poignet. Il faut avoir le coup de main car ce bout de chair est fragile. S’il s’échappe du morceau de pain et tombe sur les piquants c’est terminé…

Entre la chair délicate de l’oursin et le croustillant de pain c’est un admirable mariage des contraires. Quand vous croquez le tout, un goût iodé submerge votre palais. Profitez de cette saveur délicate, sans agressivité qui se diffuse lentement et persiste. Pour ceux qui sont un peu maladroits, ou qui ne veulent pas trop se gaver de pain, il n’est pas interdit de se servir d’une cuillère à café pour extirper la langue de chair hors de la coque. (*)

Chacun se sert dans les plats tout en commentant la dégustation en cours. Tout y passe: le bouquet, l’épaisseur et la beauté des tons colorés des tranches. L’inimitable fraîcheur. Papa parle de l’endroit ou il les a ramassés. Il nous décrit la clarté des fonds et la relative facilité de sa cueillette grâce à ses nouvelles palmes.

Nous en avons terminé avec ces pauvres oursins. Les restes de notre festin filent à la poubelle. .« J’aurai pu en faire plus » dit papa. Maman affirme que « Non, non comme ça c’était suffisant ». Elle s’inquiète trop quand son mari s’éloigne de la plage.

Ah, j’avais oublié de vous dire que mon père avait « fait » aussi trois petits poulpes. Mémé est en train de la cuisiner. Comme ils sont jeunes, donc encore assez tendres, elle les a simplement coupés en petits morceaux et les fait

prestement griller. Encore un régal !

(*) Je sais, pour l’avoir lu sur ce site, que l’utilisation de la cuillère ne recueille pas l’assentiment de tous… certains préférant la fougasse…n’est-ce pas Michel ?

Michel SUCH

pour les frites, je me souviens plus facilement de la fille de Paquita (la marchande de frites et de glaces...) et de sa cousine oranaise . je ne me souviens plus si les "couteaux" correspondaient aux poulets égorgés et aux tripes qui flottaient aprés les offrandes faites par ces femmes pour conjurer le mauvais oeil ou faire revenir dans le droit chemin, une brebis égarée....mais alors les tripes, quel bromitch... si les plus gros mulets se pêchaient à la sortie de l'égout avant d'arriver aux "blocs", l'entrée de notre plage, notre "EDEN" et pas "les dindes"... Hein! Oui si on se plaçait sur ce rocher plat qui entrait dans la mer, avec les vers que nous étions allé chercher sous les pierres en plongeant (une vieille chaussette pour les vers, l'autre pour les noyaux d'abricot), ou, faut pas le dire aux écolos, avec le sulfate de cuivre acheté chez DAOUD, notre épicier Mozabite ( excusez-moi mais je n'aime pas le terme de Moutchou), donc ce sulfate de cuivre dilué dans une bouteille et déversée sur les rochers à fleur-d'eau pour ramasser les "mille pattes". Alors là ouais, la pêche était bonne. Mieux qu'à la sortie de l'égout... Pour la baignade, c'était autre chose. Mais quand ces femmes faisaient ces offrandes à la mer, on ne se baignait pas, je me souvient maintenant. Ce n'était pas pendant les "couteaux", pas quand l'été devient l'automne. Non c'était en hiver, il neigeait, enfin il a neigé une fois mais c'était pas de la neige... je dirais un peu de grêle. Mais on est comme ça à BEO. On exagère un peu mais c'est juste pour que ça fasse plus beau... Là dessus je vais me coucher, j'ai fini de fumer ma moquette. Michel

Pierre-Emile BISBAL

Une parcelle de mémoire.

Il est environ deux heures de l’après-midi. En ce début d’été la chaleur nous tient en otage. Elle s’est installée depuis plusieurs jours. Elle tyrannise tout ce qui vit. La crainte de l’affronter vide les rues. Les façades sont aveugles avec leurs volets clos. Seul le bord de mer offre une alternative acceptable à la déraison du mercure.

A la placette Lelièvre le petit groupe d’enfants que nous sommes préfère l’ombre du kiosque à la fournaise de l’esplanade. Un de nous dit «Y’a un « kilo » qui arrive ! » (C’est par ce nom que nous désignons les ivrognes et les clochards). Nous avons regardé dans la direction indiquée par son doigt.

Ce clochard, je l’ai déjà croisé. C’est une sorte d’artiste. Au fond de sa détresse demeure un peu de fierté. Une flamme petite et vacillante. Une veilleuse dérisoire qui lui interdit de prendre sans rien donner en échange. En effet, dès qu’il perçoit un petit groupe de personne et la possibilité d’obtenir quelques centimes ou une ou deux cigarettes, ce personnage chante. D’une voix éraillée il interprète de petites ritournelles humoristiques de quelques mesures Il progresse lentement. La côte est rude pour lui. Sa marche manque d’équilibre. Par ce temps, comment fait-il pour supporter sa lourde capote militaire kaki ? Deux ou trois poupées, certainement récupérées dans les poubelles, sont accrochées à son habit autour de sa ceinture et sur sa poitrine. Il porte, pendu à son épaule au moyen d’une ficelle, un petit sac de sport en toile. Au bout de ses bras, un cageot contient quelques fruits et légumes provenant des rebus du marché. Il fait halte à l’angle de la rue de Chateaudun et de la rue Jean-Jaures, sur le trottoir menant à l’école en face de la placette. Avec des gestes lents et mesurés saturés par la boisson, il dépose son cageot et se débarrasse de son sac. Il est à une place stratégique. A cette intersection, si les gens passent, il ne manquera pas de public.

Nous sommes quelques gosses à le regarder du haut des escaliers de la placette. Il nous a vus, mais il sait que nous sommes désargentés alors il nous ignore et reste muet.

Malheureusement, personne ne vient. Il est trop tard ou trop tôt et la rue demeure désespérément vide. Cette vaine attente lui fait perdre son combat contre la chaleur et l’alcool. Il renonce. Il appuie son dos contre le mur. Se laisse couler le long de la pierre jusqu'à se retrouver assis par terre. Il incline sa tête vers sa poitrine, croise ses bras sur ses genoux et y pose son front. Il ne bouge plus. Il dort.

Je n’ai jamais su son surnom, à plus forte raison son nom. Je ne revois pas son visage, juste une maigre et longue silhouette couverte par une capote militaire crasseuse avec des poupées accrochées au tissu. J’ai l’impression que c’est un vieil homme, mais il est souvent difficile de donner un age à ces errants.

Pourquoi ai-je eu besoin d’évoquer ce reflet, installé dans mes souvenirs. Un demi-siècle après il n’a pas lâché prise. Depuis toutes ces années, il dort, dans la chaleur de l’été, à l’angle de ces rues.

Certainement parce qu’il faisait parti de ce tout que nous formions. Il tenait sa place dans ce mélange de races, d’ethnies, de nationalité, de religions, de statut social, d’opinions politique caractérisant Bab-El-Oued. Nous avons tous dans nos mémoires un ou plusieurs de ces fantômes broyés par la destinée. Ils ont frôlés nos vies et leur particularité a laissé son empreinte dans nos mémoires. Suivant le personnage et la situation nous les avons aidés, raillés ou pire, consignés dans une cruelle indifférence.

Pour moi, le manque d’Algérie se traduit par un puzzle que je m’évertue à reconstituer souvenir après souvenir, émotion après émotion. Dans ce puzzle, il n’y a pas de pièce mineure. Je prends donc le temps de poser celle-ci à la place qui lui revient.

Antoine BILLOTTA

Et pour tout le monde, cette histoire vécue. On sait que les Messageries étaient en majorité habitées par des Italiens et en grand nombre par des pêcheurs aux revenus plus que modestes...quand ils en avaient. En effet, il n'était pas rare qu'ils ne partaient pas toujours en mer soit parce qu'on ne les embauchait pas forcément soit parce qu'il y avait mauvais temps soit parce que la pêche avait été trop abondante ou au contraire maigre soit parce que la paye, c'était le patron qui en décidait du montant au jour le jour. Mais il y avait toujours la part du pêcheur ce qui nous permettait de manger quand même du....poisson. C'est ainsi que parfois, papa nous ramenait des casiers entiers de sardines sans valeur possible du fait de leur surabondance; on les donnait alors à la cantine de notre Ecole Sigwalt, rue de Dijon, ce qui était un véritable don du ciel et faisait le bonheur des demi-pensionnaires.....D'autres fois, il ramenait de gros poissons, daurades, rougets, rascasses etc... mais nous ne les mangions pas toujours. C'est ainsi qu'un jeudi après-midi me semble-t-il puisque nous n'avions pas classe et pendant que mon père, ce héros, dormait épuisé par ses nuits harassantes, j'avais eu pour mission d'aller vendre cette marchandise ô combien précieuse, à la sauvette, aux côtés de vieux habitués tous vêtus de bleu de chauffe bien entendu. Nous occupions statégiquement le trottoir de chez Blanchette pour avoir une vue la plus large possible sur la rue de Châteaudun, rue de l'Alma, boulevard de Provence etc...Le soleil était chaud, les rues venaient d'être nettoyées et nos couffins remplis de poissons frais et appétissants s'offraient aux regards connaisseurs des passants tandis que je me sentais tout fier et quand même un peu anxieux du haut de mes huit ans......Et puis un cri: 22! v'là les flics ! ! ! Terrorisé, voulant m'enfuir mais avec mon couffin, la sueur de papa et notre gagne-pain, c'est avec une immense reconnaissance que je l'abandonnai entre les mains d'un pêcheur-"magicien" qui, en un seul mot me rassura, le fit disparaître (dans une entrée de maison prévue pour ça?) et me permit de prendre la poudre d'escampette,en espadrilles et suivi, je crois, de mon petit frère encore plus "mort" que moi. Je ne sais pas jusqu'où je suis allé...mais quand je suis revenu récupérer mes poissons ....:" Tiens, p'tit" me dit le pêcheur-"magicien" et il me tendit un billet et des pièces. Il avait tout vendu, à un bon prix et mon couffin était vide ! Je l'ai remercié, pris et serré très fort les sous dans ma main et pour ne pas les perdre, j'ai mis la main droite dans la poche, l'autre balançant joyeusement le couffin...J'ai encore couru, monté les quatre étages à toute vitesse, ouvert mes doigts crispés sur la table, heureux de rapporter des sous, moi aussi, comme papa. L'aventure s'est arrêtée là: maman a eu une telle peur rétroactive que, les autres poissons ramenés, on a continué à les donner ou à les manger.....Cette histoire a eu lieu dans les années 50 à Babeloued......

Georges GARCIA

Un aprés midi à la plage des "bains de chevaux":drole de nom pour une plage, voici une explication.

C'est un jour sans école ou Kao,au choix.

13 h le repas terminé, le soleil frappe dur, les parents s'adonnent à la traditionelle sieste,quant à nous, réfractaires , nous préferons le jeu des petits cyclistes qui avancent à coup de Tic- Tic sur le trottoir de l'école de fille de la rue de Dijon.Cela fait passer le temps car la digestion est surveillée à la minute prés,enttention ,2 h avant le bain,pas une minute de moins ont dit les parents qui savent tout,meme qu'il y a des noyés des fois ..... 15 h, direction les" bains de chevaux" plage où le spectacle coloré de l'aprés midi va débuter.

Tout d'abord ,les enfants du quartier et d'ailleurs rivalisent de plongeons en sautant du Rocher Carré(qui n'existe plus de nos jours) ou se mesurent à la nage du rocher à la plage.

Soudain,les voila ,ils arrivent par le bd de Champagne,ils sont un dizaine à la queue leu-leu,sautillants,d'un pas saccadé et alerte,ils traversent décidés l'avenue Malakoff en stopant la circulation automobile sous les sourires des conducteurs(les temps ont bien changés malheureusement...)Ils sont stimulés non pas par les coups de baton de leur guide,mais par l'approche de la mer où un bain les attend.Vous l'avez deviné ceux du coin Ce sont les petits anes chargés comme des bourricots(logique mais cruel !) de lourds sacs de gravats depuis la carrière Jaubert qui traversent le terre plein prolongeant le stade Marcel CERDAN,dans un nuage de poussiere, pour s'y décharger.Aprés quoi ils sont brossés les pattes dans l'eau jusqu'au ventre sous les regards et la participation des baigneurs,les mioches criants et sautants parmi eux,quel spectacle unique! Est ce la justification du nom de la plage? Je le pense.En tout cas cela reste dans nos mémoire comme telle!

le bain terminé ils repartent vers leur étable (rue du Dey?) pour un repos bien mérité.

Mais le spectacle n'est pas terminé,aprés cet épisode arrive quoi....Le Boulitch ,là preque tout a été dit précedemment...inutile de vous dire que dans le filet il n'y avait pas que du poisson, mais bref on se constituait sans le savoir une bonne défense immunitaire et surtout des souvenirs colorés et indélébiles que plus d'un nous envient!

Alfred LANGLOIS (Freddy)

Hier dimanche !

Hier, dimanche, donc, en fin de soirée, plus ou moins (plutot plus que moins) "collé" à ma bécane par un méchant probléme de genou, j'enrageai de ne pouvoir circuler à ma guise et "ma cocotte minute" commençait à bouillir. Alors pour évacuer la pression j'ai envisagé un, non plusieurs voyages virtuels (c'est à la mode, par les temps qui courent, meme plus vite que le temps lui meme).

Toi l'Oranais,

pense à ta dernière soirée au casino de Canastel et, réjouis-toi à l'avance, car dimanche prochain le GALLIA d'ORAN reçoit l'ASSE au stade Montréal ("entention" c'est Saint Eugène d'Alger, pas d'Orrrran!) Toi l'Algérois,

va t'asseoir, tout simplement, sur un banc du Parc de Galland, et, pense que dimanche prochain, toi aussi tu as quelque chose de prévu : tu dois aller à Sidi Ferruch, au vivier de Capomacio pour casser la croute avec les copains du quartier.

Ah ! te voilà le Constantinois, toujours sur le pont Sidi M'Cid à contempler les gorges du Rummel ? Toi, dimanche, tu iras, peut-etre, faire un tour en calèche ?

Salut l'ami Bonois,

alors ce cimetière : toujours aussi beau ! C'est sur : tant que l'on n'en est pas locataire ! Allez va faire un petit tour Cours Bertagna pour voir si les filles sont toujours aussi jolies ( comme " il a chanté l'autre"). Et toi mon ami de Laghouat,

en cette belle fin de journée d'automne tu vas certainement aller,dans quelques instants, aux portes de la ville pour assister au coucher du soleil sur le désert. Quelle féerie ! Tu auras du bonheur pour toute la soirée, et, meme un peu plus.

Te voilà mon frère de Tizi Ouzou

alors cette ballade dans les bois d'oliviers, c'était comment ? Rassurant et reposant, je suppose, il parait que la récolte sera bonne et l'huile abondante et parfumée. Garde-m'en une bouteille pour la salade de tomates. Et vous tous du bord de mer,

de Philippeville, de Bougie, de Bou Haroun,de Castiglionne, d'Arzew, de Béni Saf, allez donc faire un petit tour sur le port pour essayer de "récolter" une petite bouillabaisse ou une friture auprès de vos copains pécheurs : Toni, Pépico, Bachir, Omar, Alexandre ou Paulo.

Et vous que je n'ai pas cités, pas parce que je ne vous connais pas, je vous connais TOUS, mais parce que c'est dimanche soir et que je suis un peu fainéant ou alors, peut-etre, parce que ma femme me réclame pour dresser la table (où sont donc les "matchos" d'avant?).

Vous, donc, fouillez un peu dans votre mémoire et souvenez-vous d'un jour heureux, d'une sortie réussie, d'une paella pas salée, d'un petit coin de votre bled où il faisait bon vivre, vous serez rassérénés et apaisés.

Voilà, c'en est fini de ma divagation !

Langlois Alfred (lundi 15 octobre 2007)

Pierre-Emile BISBAL

Une longue amitié

Ce sont deux femmes âgées, assises dans l’ombre protectrice des hauts murs blancs d’une cour carrelée de larges tomettes rouges. Elles parlent d’une voie contenue pour ne pas réveiller deux jeunes enfants qui dorment, côte à côte, sur un petit matelas recouvert d’une étoffe aux motifs colorés et zigzagants. Entre elles, sur une table basse, une cafetière parfume encore un peu l’endroit, Dans une assiette, du miel suinte d’un morceau de zlabia comme la sève d’une branche brisée.

Elles discutent de la vie. De ces faits importants ou pas qui accompagnent leurs existences et bâtissent leurs quotidiens. Le prix des figues au marché. Le dernier siroco. La bonne poule achetée chez Khader et qui a fait deux repas. La couleur du coupon de tissu chez Moatti. Le mariage de la fille de Candida. La mort de l’un, la naissance de l’autre. Elles comparent leurs expériences. Elles s’échangent des adresses, comme des secrets. Elles passent en revue leurs souvenirs communs pour mieux les ancrer dans leur mémoire. Elles resplendissent de bonheur quand elles évoquent leurs petits enfants. Elles sont humbles quand elles parlent d’elles, mais, pour la petite fille ou le petit fils, elle se hausse d’une taille, leurs yeux brillent et elles perdent toute objectivité. Elles basculent dans cette fierté émouvante qui contamine toutes les grands-mères du monde. Elles installent des moments de silence quand, sur le petit matelas, les enfants s’agitent. Puis quand elles sont certaines que le sommeil n’est pas brisé elles reprennent la conversation avec leurs voix comme des prières.

Dans le calme de cette cour elles semblent si proches l’une de l’autre qu’elles paraissent être sœurs. Sœurs elles le sont forcément un peu. Elles se connaissent depuis longtemps. Depuis l’époque de leur jeunesse à plus de quarante années de là. Durant tout ce temps elles ont partagé joies et peines. Tout ce qui a blessé le cœur de l’une a égratigné celui de l’autre. Le rire de l’une a fait sourire l’autre. Elles ont échangé des présents au mariage des enfants. Pour combattre la maladie ou accompagner un mort, chacune a imploré Dieu pour la famille de l’autre.

Les hauts murs blancs isolent cette cour. La chaleur étouffe la ville, mais ici il fait encore frais. La rumeur acide des affrontements naissants dans le pays ne parvient pas à troubler le calme de cette sorte de cloître. Là le temps ne vous pousse pas dans le dos. Ici rien ne peut arriver. Peut-on espérer un meilleur endroit pour discourir sur la vie ?

Elles bavardent, mais ne sont pas inactive. Une coud l’ourlet d’un pantalon, l’autre tricote une layette en laine bleue. Une porte à son cou la main de Fatma, l’autre une fine croix d’or.

Leurs façons de vivre ne sont pas totalement identiques. Pour chacune d’elle il y a la force de la tradition, la différence des religions, le poids des préjugés et les exigences de la communauté. Ce sont des femmes simples. Elles s’attachent à ce qui peut les unir et se détournent de ce qui peut les diviser.

Elles vivent en harmonie, respectueuses l’une de l’autre, protégées par les hauts murs blancs. Tout est paisible… Hélas, plus pour très longtemps.

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- 5 photos dans Ecole rue de Normandie de Nicole MATAS

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