Le : 08/07/2013 19:01

C'est 18 h, le coup de canon vient d'annoncer que le jeûne peut être rompu. Nous sommes au mois d'Aoùt 1950, j'ai 9 ans. Le Ramadan est installé pour un mois dans Bab el Oued. Le sirocco et la chaleur caniculaire de l'été accentue la difficulté à ne pas boire durant la journée. Dans la rue des Moulins on note une agitation particulière avec les clients qui se précipite dans le café maure de l'Etoile Blanche pour rompre le jeune en avalant une gazouz bien fraîche. Les marchands itinérants ont installé leur chariot à deux roues, maintenu en équilibre par une béquille. On fait la queue pour acheter des maïs grillés, des jujubes, des figues de barbarie. A gauche de l'entrée s'alignent sur des grandes plaques les pâtisseries orientales au miel et aux amandes dont je raffole. Pour certains, la partie de dominos les transporte dans un moment de plaisir partagé entre amis autour d'un thé à la menthe après une dure journée de carème. Leur joie s'exprime par le claquement du pion qu'il frappe sur le tapis. L'euphorie est générale. Qu'il fait bon vivre dans ce quartier populaire d'Alger où les traditions sont respectées par toutes les religions. A 21 h, après notre repas pris en famille, nous nous retrouverons assis sur le trottoir à profiter de cette belle fête qui occupe la rue et comme chaque soir, avec quelques pièces de monnaie j'irai acheter quelques zalabias dégustés en famille. Alors, je me lècherai les babines comme un chaton avec ce miel qui ne coagule jamais en été. Nous irons nous coucher avec les douze coups de l'horloge de l'école de la place Lelievre. Quel bonheur de savoir que tout recommencera le lendemain et ce, pendant un mois. C'est impossible à oublier ces moments d'enfance passés en compagnie de mes parents. Ce mois de Ramadan en été dans la rue des Moulins à Bab el Oued ne s'est jamais effacé de mes rêves...