pied noir

Né à Bab El Oued - 1948 - ALGER

 

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De : momoEnvoyer un mail

Le : 14/03/2006 00:05

LE CLIMAT DE FRANCE


Il y avait au dessus de Bab El Oued – je dis bien au dessus – car , pour y accéder il fallait grimper un raidillon, une petite place-jardin qu’on appelait la place Dutertre et qui gardait un air penché parce qu’elle n’avait pas fini de se redresser au sommet de la côte qui montait du marché .

Je dis « il y avait » mais cette place existe encore aujourd’hui . Elle a beaucoup changé depuis cinquante ans – son sol s’est tassé au fil des années et son inclinaison semble , à mes yeux , moins marquée. Je ne sais plus s’il existait un jet d’eau au milieu de cette place Dutertre (au fait, qui était ce Dutertre ?), comme au square Jean Ricome , à la Consolation tout près de l’endroit où , un matin de printemps 1941, un petit arabe du quartier , choisi à bon escient , portant chéchia pour la circonstance , puisqu’il devait symboliser les musulmans plus frères que jamais des européens , hissa le drapeau de la France eternelle, en compagnie d’une petite Ginette du quartier, qui elle , representait l’autre communauté : sous le regard d’un portrait géant du Maréchal qu’on avait justement disposé sur le jet d’eau , si mal nommé puisqu’il avait la particularité d’être toujours tari : au son des clairons de l’Orphéon de Bab el Oued , mobilisé pour la circonstance , qui , après la cérémonie du lever des couleurs , raviva nos c 1/2 urs , à nous tous , les enfants de Pétain , en exécutant une Marseillaise , vibrante comme toujours .

On pouvait arriver aussi à cette place Dutertre…
Je persiste à écrire un nom propre , induit sans doute par Duperré , l’amiral bombardier , et je pense facilement à un Dutertre qui serait général comme Duvivier , son voisin dans l’ordre alphabétique des officiers généraux . Mais reflexion et vérification faites , il n’aura jamais été question d’honorer en cet endroit la mémoire d’un chef , mais seulement d’être précis dans le choix d’un nom tout à fait commun , masculin singulier , pour lui faire dire seulement ce qu’il veut dire , comme le dit Paul Robert lui-même , l’homme d’Orléansville :
« -tertre : petite éminence isolée , à sommet aplati »

On pouvait arriver aussi à cette place du Tertre – en deux mots donc – par le Boulevard de Champagne qui montait de l’avenue Malakoff en passant par l’hôpital Maillot. Après la placette , avec , sur la droite , le petit cinéma « Rialto » » que pour entrer le smokinge l’fallait » , on abordait un terre-plein , né de comblement récent des restes du torrent de la Bouzaréah. De ce torrent il ne restera qu’un ru rudimentaire et il faudra remonter jusqu’au Pont de Fer , lui même aujourd’hui disparu , pour en retrouver le filet vestigial .

Plus tard on exhumerait le nom de cet oued perdu , oublié des plus vieux –Oued Koriche – pour remplacer Climat de France , jugeant , sans doute , que , puisqu’on avait gardé , pour un temps encore Air de France plus haut , le Climat du même nom , plus bas , devenait superflu .

Le terre-plein , au bout , se rétrécissait et faisait comme une trouée entre le dos d’un et les murs d’un immense hangar où l’on réparait les camions des carrières Jaubert toutes proches .
C’est par cette trouée que j’entrai pour la première fois dans Climat de France.
J’avais dix-sept-ans et je suivais une fille .
Je l’avais remarquée en entrant dans le cinéma. Et comme si l’on avait limité mon choix dans toutes ces rangées quasiment vides , d’un air naturel et détaché , j’étais allé m’asseoir près d’elle ,prenant soin , tout de même , de ménager entre nous deux , un siège de « réserve ».
Nous avions regardé le film , Valses de Vienne ou Rêve d’amour ou quelques chose d’approchant , en tout cas une belle et tendre histoire d’amour avec les voix de Nelson Eddy et de Jeannette Mac Donald.
Pendant la projection malgré mes multiples rotations de la tête dans sa direction , malgré les commentaires que je faisais fréquemment en mon for « extérieur » , à basse mains intelligible voix , je dois dire que je ne reçus pas d’elle aucun signe , pas une parole , pas le moindre encouragement qui m’aurait enhardi . C’était de bon augure , je pensais , puisqu’elle n’avait pas lançé la phrase qu’on entendait souvent en pareilles circonstances , sauf , évidemment , quand on avait « la touche « .
- « Imbécile,va ! Pour qui l’se prend,çui-là » ?
-
A fin du film , quand la salle fut de nouveau éclairée, avant de se diriger vers la sortie comme les rares spectateurs de ce jour-là , elle avait laissé son regard errer dans toute la salle , en m’ignorant superbement , comme j’avais feint moi-même une totale indifférence . Je faisais semblant , donc elle aussi .
C’est pourquoi , toujours sans en avoir l’air , je la suivais depuis le cinéma , avec le secret espoir qu’elle serait bientôt ma Jeannette Mac Donald et moi son Nelson Eddy .
Je franchis la trouée avec elle , mais de l’autre côté de la rue et trois bons mètres en arrière.
Je continuais d’avancer, la tête encore pleine des romances et des images de baisers interminables, quand je l’entendis appeler :
- Zino ! Zino !
Prés de la pompe à essence , un homme attendait près de sa moto , les yeux fixés sur le réservoir qu’on était de remplir .
Ce n’était pas Zino , le footballeur de Saint Eugène que je connaissais bien , puisqu’il habitait comme moi l’escalier A à la Cité : même qu’il s’appelait en réalité Vincent Lombardo . Ce Zino-là , qui n’était pas footballeur , leva la tête et fit signe de la main pendant que la jeune fille hâtait le pas pour le rejoindre.
Je poursuivais mon chemin , passant naturellement près d’eux , saisissant au vol qu’elle s’appelait Jeannette et « combien elle était contente , la purée , de le voir » !
Puis je quittai le trottoir pour traverser la place de ce village que je venais de découvrir au hasard d’une vaine initiation au pistages des gonzesses.
J’ai du mal , aujourd’hui encore à écrire ce mot , pourtant copieusement
utilisé par les copains du quartier et aussi du lycée.
Un reste de timidité devant les filles de l’adolescent acnéique de mes jeunes années ?
Non.
Une certaine pudeur devant elle , au singulier, et peut-être même avec une majuscule. Elle que notre Kateb national, sans doute dans un moment d’ivresse et d’euphorie , crut devoir , un jour traiter de « butin ».
Pauvre et pourtant si grand Yacine !
Parce que tu l’avais si bien apprise , tu croyais l’avoir prise.
Tu t’es dit qu’il fallait venger Abdelkader à qui Lamoricière avait pris sa smala. Alors , au français tu arrachas sa langue et tu la décréta s butin . Tu as cru la tenir comme une maîtresse puisque tu la possédais …de main de maître.
Mais hélas ! Tel est pris qui croyait pris-être l’idée de la mort avec toutes ces tombes superposées ou bien le sentiment du déjà vu ,quand les choses du présent sont si fortes qu’elles s’impriment d’emblée au passé.
Je laissais venir l’émotion : elle m’envahissait , m’emportait et moi je l’aspirais à pleins poumons.
J’avais dix-sept-ans et je me voulais romantique.
J’imaginais une main de géant. La paume , c’était la place où en ce moment passaient un bouvier et ses vaches , le pouce où je me trouvais , la rue Jules Cambon, et les quatres autres doigts qui n’en finissaient pas d’être longs , les routes dont je connaîtrais plus tard les tours et les détours : l’index qui , par le Frais Vallon, montait jusqu’à El - Biar , en passant par Pont de Fer , le majeur qui , sur le plat , rejoignait la place du Tertre et l’auriculaire qui descendait vers Bab El Oued.
Une main de géant sur laquelle on aurait tracé les lignes d’un destin.
Car , dans dix ans , en 54 , un immeuble serait bâti sur la station et dominerait la place. Dans cet immeuble viendrait s’installer un jeune médecin , tout frais émolu de la faculté et l’hôpital d’El Kettar qu’on voyait tout en haut du cimetière.
Il soignerait les gens comme on lui aurait appris , comme il en aurait fait le serment et surtout comme il aurait vu faire par ses maîtres ou ses aînés : Benhamou , Destaing , Ferrand , à El Kettar , Goinard , Laffont , Boular, à Mustapha, Kamoun à Orléansville, Ait Si Ahmed et Lejeune dans ses remplacements. Et d’autres encore….
Il recevrait tout le monde , surtout des indigènes , ses « correligionnaires » qui vie draient lui confier leur santé et celle de leurs enfants , parfois aussi leur sécurité ou leur vie .
Pour les Européens il serait le médecin kabyle du Triolet ou le médecin arabe de l’immeuble Denis ou le médecin indigène du Climat de France.
Pour les autres , les siens , il serait tous ceux-là à la fois , mais il serait leur frère car, dans ce temps-là, ce simple mot les unirait tous dans le même serment : être des Algériens .
La guerre embraserait le pays.
Une guerre que les Français refuseraient longtemps d’appeler par son nom , préférant le mot –neutre de « événements » ou celui , hypocrite , de «pacification » pour « paver l’enfer de bonnes intentions »
Une guerre qui , pour les Algériens serait « la guerre d’indépendance » et qu’on leur changerait en une « révolution » qui socialiste « pour le meilleur et pour le pire » » …



 

De : isabelleEnvoyer un mail

Le : 13/03/2006 21:58

je suis née au 32 avenue de la bouzaréah (BABELOUED) - mon père MANUEL PONS avait le BAR SELECT -nous étions trois enfants manu, josette, et moi isabelle - j'allais à l'école rue franklin-

je suis à lyon, depuis trente cinq ans -
sans l'avoir voulu, travail oblige-
mais je prefere l'Espagne, ou, jevais souvent, qui me rappelle Algérie-
si vous, vous souvenez de moi - et bien n'hésitez pas- à m'envoyer des mails
j'ai navigué sur le site - il est super bien - j'ai revu mon école, ainsi qu'une de mes photos de classe - A BIENTOT ISABELLE.

 

De : Guy Pons

Le : 13/03/2006 21:30

Pour Joseph Roblesou Manuel Robles
il m est impossible d ' envoyer un e-mail a Joseph
tous les messages me reviennent
il y a un probleme de trop plein je pense
Manuel si tu peux le contacter , a Joseph , dis lui de voir sa boite
merci et bonne soirée ou bonne journée
bises a tous
Guy

 

De : Lucienne PASCUAL épouse CLEMENTEnvoyer un mail

Le : 13/03/2006 20:28

Bonjour

Je m'appelle Lucienne PASCUAL, j'habitais 12 rue Suffren à Bab-el-Oued.
Je souhaite retrouver un ami Norbert BELAÏCHE qui habitait je pense rue Mizon.
Si vous avez des renseignements sur lui ou s'il lit ce message , merci de me contacter.
Bien cordialement - Lucienne

 

De : marie-pauleEnvoyer un mail

Le : 13/03/2006 18:34

pour Michèle Selam: IMPOSSIBLE de te joindre par mail !! Tous mes courriers reviennent . Redonne moi ton adresse mail,s'il te plaît ,que j'essaie encore. A bientôt marie-paule

 

De : CHAREF LiasEnvoyer un mail

Le : 13/03/2006 02:02

A toi ma grande Monique
A force de remuer ta term......on a des vesses ici aux deux chameaux, et rends toi compte de émules que tu as en fait, en rentrant chez toi et en consultant ta boite tu te rendras compte que tu es bien servi, princiérement bien servi, même la pudique Francet...(je ne termine pas son nom) qui 'y met
Pour ton téléphone (non arabe) mabrouk et comme tu l'as bien dit le tour de BEO a été fait avec succés jusqu'à la rue Massenet et attendons le résultat de notre mission.
Je ne sais si je dois dire Bonne nuit ou Bonjour - prenez tout dans le baba
Lias

 

De : monique baldacchinoEnvoyer un mail

Le : 13/03/2006 00:38

Pour Yolis
j'y goul pas tu tout,aujourd'huit super aprés-midi,j'ai gagné un téléphone, pas arabe,mais sans fil,nouvelle technologie;
Mais l'arabe lui il allait plus vite,pendant que tu es au téléphone
l'autre il a faite le tour de B.E.O.

Pour Christiane
La tchoutchouka ont la feras, soit au bord de l'eau et a l'ombre des pins,comme a sidi-ferruche, ou dans une salle comme ça ont se remue le terma.

Pour la famille Agullo
Je suis trés heureuse de nos retrouvaille et j'espére vous revoir bientôt

Maintenant a tous mes amis que j'aime, merci pour toute vos blagues,j'en ai pas vue une,moi j'habite ou le bon dieu a perdu sa savate, et l'adsl,haut débit , nous pas connaitre,nous êtres
sous les oliviers, les pins, et les oiseaux.et ADOBE, il ferme tout
en plus qui c'est-celui-là, de quoi je me méle,même pas ont me la présenter.
Donc vous pouvez m'ecrire autant qui vous plaira, mais sans blague, merci pour votre compréhension.
Des gros bisou a tous a+++++++++++++++++Monique

 

De : momoEnvoyer un mail

Le : 12/03/2006 23:29

En devoir de mémoire, à la personne qui demandait si quelqu'un se rappelait les bombardements d'Alger.


LA CONSOLATION

Depuis l’aube ce matin du 8 Novembre 1942, un vrombissement sourd et continu qui venait du large , arrivait sur Alger. Les habitants de la Consolation, sortis de leur sommeil, accoudés aux rebords des balcons et fenêtres s’interpellaient pour comprendre. De notre balcon du quatrième, avec mon père, nous scrutions la mer dans la pénombre ; là où devait se trouver l’horizon, on voyait briller des flammèches intermittentes.
C’était à coup sûr des navires de guerre qui tiraient au canon….

……comme dans « l’Aigle des Mers » , avec Errol Flynn.

Monsieur Laborde, de sa fenêtre dit à mon père:

- Ca y est , le Maréchal a rompu l’armistice, c’est pour ça qu’il est arrivé Darlan

L’explication de Monsieur Laborde devait être la bonne. Il ajouta :

- Ca leur apprendra aux Allemands à provoquer le Maréchal.

Il devait lui en coûter, à Monsieur Laborde., de parler ainsi des Allemands , lui qui voyait d’un bon 1/2 il la collaboration, comme tous les Européens, pratiquement ; (les musulmans, eux, leur avis importait peu et ils n’avaient qu’à suivre le mouvement…).
Les Allemands ont toujours été des ennemis loyaux ; à savoir à l’inverse des Italiens dont on oubliait le coup de poignard dans le dos en 40 et leurs visées déclarées sur notre empire :

- Crois-le qu’on va leur donner la Tunisie, la p…de leur race ! Sales macaronis !

A la Consolation, où il y avait beaucoup d’immigrants italiens, souvent de fraîche date , on entendait souvent cette injure dans la bouche des petits et aussi des plus grands.Dans la hiérarchie de l’insulte à l’ethnie , ils avaient la médaille de bronze ; l’or , évidemment , nous revenait de droit :

- Sale melon ! Sale tronc de figuier !

Nous arrivions les premiers et nous le resterions malgré la position qu’on nous assignait au départ des courses, la quatorzième, juste , après les crapauds , ainsi que le voulait Hitler, paraît-il . Nous étions les premiers, comme Jess Owen à Berlin , devant le même Hitler , furax qu’un noir de Harlem osât l’emporter sur un bon aryen .

Les juifs eux-même ne pourront nous détrôner, malgré les lois de Vichy promulguées par Pétain, dans la foulée d’Hitler qui n’en demandait pas tant . L’exception – si j’ose dire ne jouera pas pour eux en la matière et jamais ils ne se hisseront jusqu’à la plus haute marche du podium.

- Sale juif ! Sale youpin !

Et malgré la constante redondance, nos concurrents cousins ne seront que médaille d’argent, derrière nous , les éternels premiers dans l’épreuve des « sales races »

Monsieur Laborde était respecté dans le quartier parce qu’il était l’exemple même de l’homme respectable. D’abord, c’était un Français de souche , un vrai ; il n’allait pas évidemment , comme les « pathos », jusqu’à vouvoyer tous les arabes et à dire « Madame » aux fatmas, mais ses propos étaient tout de même mesurés et corrects ; et sans l’accent de Bab El Oued.
Et puis , toujours impeccable : le cheveu blanc et lisse de la cinquantaine bien sonnée, la moustache plus blanche que le cheveu , taillée à la Adolphe Manjou, le célèbre vieux beau des films d’Hollywood.

Tous les soirs, on le voyait se diriger vers l’arrêt du tram, dans son smoking permanent, avec au revers du veston , un bout de liseré jaune de la médaille militaire, ramenée du Chemin des Dames, et par dessus le reste du ruban , la francisque du Maréchal, son chef de toujours, le grand vainqueur, le premier des héros de Verdun.

Monsieur Laborde était très écouté. C’est lui qui m’avait choisi, quelques mois auparavant, pour lever les couleurs à la fête de Jeanne d’Arc.
Il était croupier au casino de l’Aletti où il devait côtoyer les officiers des Commissions d’Armistice. Il était donc bien informé .

Et la nouvelle se propagea dans toute la Cité.
Personne ne chercha plus loin que l’image du lion – devenu vieux – qui redressait la tête ; le lien entre le coup d’éclat du Maréchal et ces bateaux qui tiraient sur la côte, personne ne s’en souciait.
Sauf peut-être, au dernier étage, le gros Monsieur Janvier qui ne voulait pas être en reste en tant qu’officier , même s’il ne l’était que de police judiciaire :

- C’est la flotte qui a quitté Toulon, précédée par Darlan. Il ne faut pas l’oublier Darlan n’est pas seulement le dauphin du Maréchal , il est aussi : Grand Amiral de la Flotte. Vous verrez…
-
Et l’on a vu ce matin l’horizon tout pointillé de noir : des centaines , peut être des milliers de bateaux.
Et avant la fin de ce dimanche d’automne, les premiers camions remplis de soldats portant des casques aplatis roulaient sur le Boulevard Pitolet.

- Des Anglais qui arrivaient …de la perfide Albion . Qui ont brûlé Jeanne d’Arc ; et l’on précisait toujours , comme pour ajouter à l’horreur du forfait, sur un bûcher, à Rouen, aidés par un certain Cauchon…La Sainte Jeanne dont ont célébrait , chaque année , la fête qui unissait dans nos c 1/2 urs , dans la même ferveur , la pucelle et le Vieux Maréchal. Les Anglais qui ont osé attaquer Mers el Kebir, chez nous , en Algérie , et couler nos navires sans défense…Avec l’aide des gaullistes félons…

Les bouches , pour l’heure, restaient closes et ne rappelaient rien de tout cela . Les regards demeuraient perplexes et suivaient les camions qui entraient dans la ville.
Le moment était à l’interrogation , à l’attente ; pas encore aux applaudissements et à la frénésie – Johnny , chocolate, schwing-gum, boogie-woogie – quand les envahisseurs auxquels on devait résister coûte que coûte – ordre du Maréchal – redeviendraient rapidement nos alliés de toujours.
-Et l’inspecteur Janvier oubliera son rêve, car la Marine Nationale n’était pas en cette auve de novembre au large d’Alger , mais toujours en rade à Toulon , où elle préparait son glorieux sabordage.

Monsieur Laborde , toujours respecté à la Consolation , continuera de rejoindre son poste , tous les soirs à l’Aletti. Longtemps encore s a belle tête blanche dominera les tables de jeu et au revers du veston du smoking , il portera toujours le liseré discret de la médaille militaire, avec la sobre fierté des braves. Mais , désormais , le ruban sera seul et tout entier , car , du revers des vestons des smokings , comme d’ailleurs de tous les vestons , la francisque aura vite disparu.
Pour laisser place parfois – rarement , à vrai dire – à la Croix de Lorraine…

- Adieu Pétain ! même si beaucoup le gardaient encore dans leur c 1/2 ur .

- Exit Darlan ! ! et même « éxitus » grâce à Bonnier de la Capelle.

Vive Giraud ! pour quelques mois : sa photo serait sur tous les murs de la ville , moustache gauloise et bandes molletières , avec une devise :
« Je fais la Guerre !»
empruntée à une autre célèbre moustachu de la dernière guerre , celle qui devait être vraiment la dernière , la der des der .
Et bientôt éxit Giraud , lui aussi , et vive de Gaulle ! Même si beaucoup ne l’aimaient pas et même le haissaient . plus tard , ils s’en souviendraient . Lui aussi.

Et les Algériens s’en allèrent à la guerre : européens et musulmans, frères d’armes , unis dans un même combat , pour le même idéal « pour le pays , pour la patrie, pour les bien loin , c’est nous les Africains ! ».

Le pire , c’est qu’ils croyaient tous , peut être avec des différences dans les espoirs des uns et des autres , mais avec une foi commune dans l’avenir .

Hélas :! Hélas ! Hélas !
Comme le répéterait, en d’autres circonstances, quelque vingt ans plus tard le visionnaire du 18 juin, l’homme qui enrichirait notre vocabulaire de deux mots que personne ne saurait ignorer aujourd’hui : le quarteron en avril 61 et la chienlit de mai 68.
Que l’entendit-on, ce même mois de mai , en 45, à Sétif, Guelma ou Kherrata ?



Ils y croyaient .
Il y croyait le jeune homme de 20 ans , élève de Maths Spé à Bugeaud, pour l’heure, « en chômage technique » scolaire, puisqu’on avait supprimé pour un temps les classes préparatoires aux Grandes Ecoles.
Un jour qu’il furetait dans le bric à brac du marché de Chartres , Abder , le futur Abder Isker , le premier de la saga des Isker de la télévision française , un copain du lycée, vint lui taper sur l’épaule .
- Qu’est-ce que tu deviens , « a bu chemma ? » le gars à la chemma !
La chemma c’est le tabac à chiquer , préparé à partir d’un mélange de broyat de feuilles séchées et de cendre de bois de figuier , aspergé de temps en temps de quelques gouttes d’eau qui donnait à la fin une mixture vert-marron , humide à souhait.
Il y avait à l’époque la chemma industrielle que la maison Bentchicou commercialisait en petites boites arrondies ; il y avait aussi en Kabylie spécialement , la chemma artisanale , celle que le fellah se préparait lui-même et qu’il mettait dans une corne de b 1/2 uf.
Or donc, le copain Abder « chemmait » . On racontait qu’au lycée quand on séchait sur un problème de maths , on allait souvent le chercher même les élèves de la classe au –dessus ; et lorsque rarement –la solution ne venait pas vite , à son goût, on le voyait sortir machinalement de sa blouse la petite boite métallique qu’il tapotait par deux fois de l’ongle du majeur, avant de l’ouvrir avec précaution. Et tout s’éclairait dans la minute qui suivait l’arrivée, sous la lèvre .fraternelle, de la drogue miracle .

- Il répondit à son ami :
Je ne fais rien , je bricole à la maison.
Dis- moi, et si tu venais avec moi chez les Américains. Toi qui a toujours été le meilleur en Anglais, je suis sûr qu’il te prendront.
Tu crois ?
Viens, on va aller tout de suite .
Ils dévalèrent les escaliers qui descendaient sur la rue Bab Azzoun sans prendre le temps d’admirer au paassage la belle plaque de cuivre du Docteur Cohen Solal, Léon , pour la bonne raison qu’ils étaient préssés, et aussi parce que cette plaque n’était pas encore là.
Au bas des marches, ils tournèrent à gauche, et , en courant presque, ils se dirigèrent Place du Gouvernement toute proche et sautèrent dans le premier tram qui les mena jusqu’au haut de la rue Michelet, où se trouvait l’état-major américain.
Abder avait raison. On engagea mon frère sur le champ comme interprète.
Et pendant plusieurs semaines, une jeep de l’armée américaine s ‘arrêtera tous les soirs devant le 72 de l’avenue Malakoff pour y déposer un jeune homme habillé de pied en cap comme un soldat américain et qui n’était pas soldat américain , sous les yeux ébahis des gens du quartier Et les copains qui , du banc du jardin, regardaient passer les filles arrêtaient un instant leur tchatche :
Qui c’est,çui-là ?
C’est le frère à Kacem , disait Boualem , sans cacher un soupçon de fierté , un peu comme si c’était lui, un peu de tous les arabes qui descendaient de la jeep : un sentiment au demeurant sans méchanceté , et encore moins une quelconque haine pour les autres , les Espagnols , les Italiens , les Maltais , les Juifs…..

Parmi tous ces jeunes , il n’y avait pas de « vrais » Français, puisque Jean Lunel, le Breton , le « mataf » au pompon rouge du 74 ne frayait pas avec eux, pas plus que Jacques Portelli, le Corse, le beau blond ténébreux, le Werther de la Consolation, qui ne parlait qu’à moi et qui fut longtemps l’ami privilégié.

C’était les copains du quartier avec lesquels on mangeait la « scabetch » au cabanon de l’Eden –Plage, avec lesquels on déambulait le soir pour prendre le frais avec une halte « Chez Paquita » pour le cornet de glace ou de créponné , avec lesquels on se rendait ,le dimanche, au stade de Saint Eugène pour voir l’ASSE que nous supportions toujours , tous comme un seul homme, sauf ,pour Boualem et moi , ouvertement , quand l’adversaire était le Mouloudia : alors , c’était plus fort que nous ; nous oublions Salva, Stépanoff , Ibrir ou Boubekeur et nos héros du jour s’appelaient Hammoutène, Hahad , Khabatou , . Quand ce n’était pas le football, c’était la boxe en plein air ; sur le ring monté au milieu du stade , plusieurs fois nous avons vu monter Allouche et Omar le Noir ou les deux rivaux emblématiques , les « frères ennemis » , Marcel Cerdan et Omar Kouidri , au fil de leurs nombreuses rencontres , le vainqueur d’un jour vaincu la fois suivante : Marcel Cerdan , futur champion du monde à New york et Omar Kouidri , oublié dans sa Maison-Carrée natale .
Avec lesquels aussi , les deux arabes fondus dans le groupe , on allait à la salle des fêtes , toujours de Saint Eugène, au bal du samedi soir, où Boualem se faisait toujours admirer..
Malgré un faciès qui ne trompait pas , jamais il ne s’entendait répondre quand il demandait à une fille si elle voulait danser :
Non , promise .
D’abord parce qu’il était connu comme un garçon sérieux : « la preuve », c’est qu’il sortait avec les Européens ; ce n’était pas un voyou , comme les autres « arabes »…, Boualem Bensekkouma, l’élève du collège Guillemin ; de plus , il était bien habillé. Ce n’était pas un arabe ordinaire , quoi !

Et puis « c’était rien que pour danserf…Et là Boualem était le maître incontesté :
tango , java , paso-doble, valse , il n’avait pas son pareil : iI venait même d’ajouter à sa panoplie de danseur vedette, les toutes premières exhibitions de boogie-woogie. Toutes les filles rêvant de Ginger Rogers – Djindjère Roger- voulaient virevolter dans les bras de Boualem en rêvant de Fred Astaire .
Et elles continuaient de se répéter entre elles « que c’était rien que pour danser » !
Voire ! Car il était beau garçon , même si c’était « pour un arabe « et bien baraqué »;le diable de Boualem !
Et Boualem était bien content de voir mon frère qui descendait de la jeep , avec des paquets plein les bras : des boites de conserves , du beau pain blanc en tranches , des biscuits , du chocolat , du vrai café , toutes ces bonnes choses qui nous changeaient de la boule de pain gris et des topinambours , et « du jus de chaussettes »à l’orge et aux pois-chiches grillés.

Tout fleurait bon….. Et aussi les journaux américains : pas les pelures petit format du « Stars and Stripes » dont les avions arrosaient la ville en rasant les terrasses des immeubles , mais de vraies revues avec des couleurs sur du papier glacé si doux et à caresser , dont je humais l’odeur enivrante qui m’était inconnue.

Mon frère restera encore deux mois chez les Américains.
Un soir , il dit : Papa , je vais quitter les Américains.
Pourquoi, il y du nouveau au Lycée ?
Non , mais les camarades de classe s’engagent tous dans l’armée, c’est ce que je vais faire moi aussi . C’est le seul moyen d’ailleurs de ne pas se faire accepter plus tard quand les classe fonctionneront de nouveau ; sans quoi je serais trop vieux et on ne m’autorisera pas à me présenter àl’X ou à Centrale.
Eh bien , fais toi détacher chez les Américains puisqu’ils apprécient ton travail ; ç’à sera quand même moins risqué dans un état-major.
Il y eut un silence, car , pour la première fois , le fils ne suivrait pas le conseil du père. _
Non , Papa , je vais faire comme tout le monde.
Deux jours après, il prenait le train pour Miliana , pour rejoindre le 9ème RTA. De là, Cherchell, puis la France sur le front, en Alsace , et l’Autriche ensuite , jusqu’à la victoire.
Pendant que les gendarmes de Michelet , relayés par ceux d’Alger, le recherchaient comme insoumis .
Et quand il revint de la guerre et retourna en Math Spé, portant pour quelques temps encore son uniforme d’officier, ses jeunes condisciples et aussi quelques anciens qui, comme lui revenaient du front et qui tardaient eux aussi à troquer leurs uniformes pour les vêtements civils , le portèrent à la tête de la classe en le désignant comme Z de la taupe .

La taupe d’Alger , s’appelait la taupe arabe, pour la distinguer des autres taupes françaises, car les taupins algériens- au sens d’alors, Européens d’Algérie – voulaient se démarquer ainsi des taupins métropolitains , sans songer un seul instant – évidemment – à se réclamer pour autant d’une quelconque « arabité » que leur eût conférée le sol… Le mot d’ailleurs n’était pas encore né.

C’est lui qui les conduiraient à travers les rues de la ville au monôme de la Sainte Barbe.
Ils y croyaient tous ; au point d’assumer ce choix aberrant.
Le Z qu’ils s’étaient donné les lycéens pieds-noirs, sans doute était-il un peu leur aîné, officier décoré , revenu de la guerre, tout nimbé de prestige, - il y en avait quelques autres aussi aînés, aussi décorés et aussi nimbés que lui et qui , de plus , étaient européens ou juifs , ce qui était la même chose, et même mieux, pour rattraper Vichy – ce Z – là n’en était pas moins un arabe , même qu’il était kabyle , en tout cas , l’un dans l’autre , en un mot , un « melon » :

Ils y croyaient et ils pouvaient se transcender les grands lycéens du Grand Lycée d’Alger.
Et ignorer , et oublier Sétif …
Il est vrai qu’à Sétif, c’était loin , loin dans l’espace , loin aussi dans le temps. Six mois depuis le 8 mai, une date qu’on ne pouvait oublier , pourtant le jour de la Victoire .
Ce jour-là, je chantais moi-même à tue-tête, au milieu de la foule en liesse, sous l’horloge florale du monument aux morts , aux côtés d’un couple inconnu que je ne quittai pas de tout l’après-midi : je découvrirai que l’homme était Max Pol Fouchet , la femme peut-être Marie Elbe.
On avait bien parlé d’émeutes dans les journaux et aussi , sans trop s’attarder, « des crimes odieux commis par des groupes d’indigènes égarés par la propagande messaliste ».
Mais nul n’avait encore parlé des 45.000 indigènes livrés à la vengeance et massacrés à Sétif, Guelma, Kherrata…
Je le saurai plus tard…

Quand nous sortions le matin à dix heures, et qu’il faisait beau , nous logions parfois le bord de mer , et , avant de nous séparer , nous faisions une halte chez Padovani , une grande salle bâtie sur pilotis ou l’on accédait par une passerelle en planches peintes en bleu , au-dessus de la plage. Nous jouions quelques parties de ping pong quand la table n’était pas déjà prise par un trio de grands qui devaient êtres en première , l’un d’eux , toujours impeccablement habillé portait souvent un Prince de Galles croisé , il était blond avec des crans bien gominés et une fine moustache, à la Robert Taylor, il devait être fils de colon et pouvait bien s’appeler Germain , le deuxième était antillais et aurait bien être Corbin , le troisième , je ne peux l’avoir oublié , il était aussi grand que les deux autres mais il était plus fort, avec cette même démarche chaloupée qu’il garde encore aujourd’hui quand il arrive à nous faire rêver de commissaires au c 1/2 ur tendre et de policiers généreux. Je revois Roger Hanin chez Padovani .

Comme je revois Jean Gabin, en début d’après –midi, sur le Boulevard Amiral Pierre , sous le soleil, seul , en tenue de sous-officier de marine, la main gauche dans la poche de son pantalon, la casquette un peu déjetée en arrière, la cigarette aux lèvres , comme au cinéma .

Jean Gabin , Roger Hanin. Non, je ne fabule pas

A moins que ma mémoire ne m’abuse , "ne se monte pas des films " et ne veuille , en inventant seulement se vanter en se réclamant de deux témoins illustres .

Après le lycée et mes marches quotidiennes, je rentrais chez moi te retournais à ma caisse. Longtemps elle m’accompagnera, jusqu’aux premières années de Fac où une planche ordinaire, à peine dépolie, 110 x 80 viendra la rejoindre pour recevoir mes premiers schémas d’anatomie.



D’après « Ombres et Lumières » de Monsieur le Professeur Ait Ouyahia
in « Editions Casbah ».



















 

De : Jean-Pierre de TorresEnvoyer un mail

Le : 12/03/2006 22:38

Bonjour BAB EL OUED.
Tout d'abord un GRAND MERCI a Christian Timoner
Car sans lui nous ne pourrions pas nous promener dans notre quartier et renouer nos contacts avec nos copains d'enfance,cela est ma propre opinion et je crois celle de tous Je suis ne' dans le plus beau coin du monde en 1942, j'habitai au 7 de la rue BARRA
mon pereavait le salon de coiffure qui faisait l'angle des Rues BARRA & CONDORCET
Grace a ce site j'ai pu retrouver un bon nombre de copains desrues CONDORCET,MONTAIGNE & BARRA depuis le 1er Janvier de ce fait mon niveau emotionel a ete "legerement secoue'" il m'a fallu prendre un peu de recul pour pouvoir revenir sur le site. j'ai cru que j'avai reussi a enfouir mes souvenirs...![la malle elle m'est revenue et ma bastonnee de toutes ses forces ]et m'a mis K.O .L'emotion a ete trop forte,maintenant j'ai retrouve mon tchic tchic et suis pret a reprendre contact si vous me reconnaissez faites moi signe je serai heureux de vous repondre .
a tous et toutes recevez mes amities PN.
Encore merci Christian pour ton Travail

 

De : CHAREF LiasEnvoyer un mail

Le : 12/03/2006 20:48

A la grande Monique
Ti goul ou ti goul pas ???

 

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