Le : 02/11/2012 19:56

L’amour dans les villages Kabyles

Autrefois, la fontaine était le lieu de rendez-vous des jeunes amoureux. Les rencontres y étaient souvent fugaces mais indispensables pour réitérer l’expression de son amour, dissiper de nombreux malentendus dus à un manque de communication, remettre une lettre, offrir une fleur, etc. Les jeunes filles trouvaient toujours un subterfuge pour aller puiser de l’eau à la fontaine. Il leurs est arrivait même de vider les outres et les jerricans, parfois de les percer légèrement pour qu’ils se vident vite, dans le but d’aller le plus souvent possible les remplir à la fontaine ! »

Les jeunes d’aujourd’hui ne vont plus à la fontaine depuis que l’eau coule dans les robinets des maisons. Elle qui symbolisait le village kabyle est devenue à leurs yeux un simple amas de pierres sans âme. Les anciens, s’en souviennent avec nostalgie de ces fontaines. Ils se souviennent des jeunes filles d’une beauté pure, vêtues de robes multicolores, parées de bracelets d’argent, portant une outre sur le dos, qui cheminaient le long des sentiers de la fontaine, du murmure joyeux des voix tendres et douces emplissant les cœurs de bonheur et de quiétude. L’image qu’elles offraient embellissait les splendides paysages montagneux et forestiers. Les jeunes hommes les guettaient sur le chemin dans l’espoir d’un sourire, d’un regard langoureux ou d’un petit mot tendre. La fontaine était également le lieu de prédilection pour les jeunes filles qui profitaient du moment qu’elles y passaient pour s’amuser et discuter de tout et de rien.

Aujourd’hui, il ne reste de la fontaine du village presque rien. Ses sources sont couvertes de mousse et les herbes ont envahi son sentier. Mais son eau demeure toujours fraîche et son ombre donne du repos au passager qui ne peut passer sans y faire une halte. La fontaine est seule et isolée, personne ne songe à lui rendre visite. Pourtant, c’est là que de nombreux couples mariés, aujourd’hui parent, ont fait connaissance. Les plus conscients soutiennent que la disparition de la fontaine a généré la mort systématique du village kabyle d’antan et toutes les belles choses qui le caractérisait. Certaines habitudes demeurent toutefois en vigueur au jour d’aujourd’hui. La communication entre les amoureux se fait encore par l’intermédiaire d’une autre personne. On choisit généralement comme messager une personne capable de passer sans se faire remarquer, une fillette intelligente et habile, qui peut rentrer chez n’importe qui sans que le maître de maison ne se doute de quelque chose. Actuellement, certains amoureux ne lésinent pas sur les moyens et font usage du téléphone mobile qui, pour ceux qui peuvent se le permettre, est le moyen de communication le plus discret. On s’écrit des SMS et on s’appelle sans que personne ne s’en rende compte.

Les fêtes villageoises, quand elles sont mixtes, sont aussi un évènement d’une grande importance pour les jeunes. Elles permettent aux amoureux de se voir pendant plusieurs heures et même s’ils ne peuvent pas se parler leur regard exprime bien des sentiments.

Par ailleurs ce genre de liaison n’est pas sans comporter de risques. Les amoureux doivent faire preuve de discrétion. Mais, paradoxalement, les histoires d’amour du village sont souvent un secret de Polichinelle.

L’essentiel est d’éviter de se faire prendre en « flagrant délit ». Dans certains villages le châtiment peut aller de l’exclusion du groupe au châtiment C’est généralement la femme qui est désignée comme bouc émissaire. Néanmoins ces règles connaissent une certaine souplesse et sont plus ou moins rigoureuses d’une famille à une autre et d’un village à un autre.

« Les filles et les garçons des villages kabyles ne peuvent pas mentir car, ici, tout le monde se connaît. Il se font entièrement confiance et se donne leurs cœurs sans retenue. Pour eux il n’y a pas d’amour sans confiance et on ne peut être à moitié amoureux : soit on l’est complètement, soit on ne l’est pas du tout ». A cela on peut ajouter la rareté des rencontres, les tabous, le goût de l’interdit, le fait de rester enfermé au village pendant des jours entiers oisif et de n’avoir à l’esprit que la personne aimée. C’est principalement ce qui fait de l’amour villageois un amour idéal, platonique, merveilleux et douloureux à la fois ».