Le : 17/09/2015 09:13

Souvenir olfactif et fraternel à Bab el Oued

Les murs des maisons autour du lavoir de la Bassetta, doivent se souvenir de ces airs espagnols qui se répandaient dans le quartier par les fenêtres entrouvertes les matins d’été. Nos aïeux se régalaient à écouter ces musiques de leur pays sorties d’un phonographe à manivelle. La vie se déroulait paisiblement, pourvu que la table du dimanche midi ait été bien garnie autour et dessus. Autour, il y avait la famille, parents et enfants ; dessus une marmite contenant une “arroz caldo” qui embaumait les paliers des maisons. A la fin du repas, retentissaient des rires à l’écoute de cet air valencien : “ La ouella fa roz sin seba, et le ouello di que no vol, la ouella salsa li pega et le ouello li trenca le pérol.” Cette comptine de nos anciens rappelait le pays de leurs ancêtres qu’ils avaient quitté pour offrir un avenir meilleur à leur descendance. Et comment oublier les odeurs qui s’installaient tous les jours, sur le coup de midi dans le courant d’air des maisons aux portes d’entrée toujours ouvertes. La friture de poissons, de poivrons, d'aubergines, les sardines en escabetch et « l’omblette de pon de terre » ravissaient nos narines d'enfant. Alors, on ressentait un torrent de plaisir se déverser dans nos gorges. Mes amis, quel bonheur et quelle chance d’avoir vécu cette époque extraordinaire sous la protection de nos parents. L'existence en ce temps là à Bab el Oued se déroulait dans la simplicité du monde ouvrier et les petites gens qui habitaient le quartier, trimaient toute leur vie pour espérer donner un avenir meilleur à leur famille. L'amitié et la solidarité entre voisins apportaient du réconfort à chacun. Souvenons-nous du trait de caractère de ce modeste petit peuple : la déconnade et le rire. Sans prétention, nous avions inventé le festival du rire à tous les coins de rue. Chaque soir au retour du travail, surtout l'été, la rencontre avec les copains était un moment sacré d'échanges et de fraternité ; là aussi, nous étions les précurseurs des MJC ( maisons des jeunes et de la culture). Je me marre d'entendre aujourd'hui qu'une fois par an on célèbre la fête des voisins. Chez nous, chrétiens, juifs et musulmans se retrouvaient dans la joie à chaque fête religieuse et comme nous avions trois religions et que la coutume voulait que l'on offre une assiette de gâteaux fait maison à ses voisins de palier, on se régalait toute l'année.