Le : 03/08/2014 11:55

Nos colonies de vacances (1955/1960)

Quand arrive le début de chaque mois d’aout, avec ce temps estival et nos petites tenues légères, j’ai souvent, pour ne pas dire toujours en tête, ces images de colonies de vacances de notre jeunesse passées en France et qui duraient un mois, le mois d’aout en l’occurrence. Même si le temps ne nous arrange pas, il ne nous enlèvera pas nos meilleurs souvenirs et pour ma part, ces souvenirs-là sont à cette époque !

À ce moment de l’été, les vacances scolaires étaient déjà bien entamées et nos occupations journalières de juillet se limitaient à retrouver les copains et les copines du quartier pour des parties de foot, de billes, de noyaux (d’abricots qua même !), de courses et autres jeux – interdits ou non, va saouar ! – et, de temps en temps, les retrouvailles avec les copains de mon école prés du cimetière de St Eugène pour descendre sur la plage de l’Eden, celle qui était en face le cimetière ou l’autre à côté du stade Marcel Cerdan « les Bains de chevaux ». Rien qu’on jouait à faire les fanfarons et les « regarde-moi comme je sais nager et plonger ». Heureusement qu’on avait des bouées !

L’inscription à la colonie de vacances du mois d’aout était un rituel pour ma mère et moi. En début d’année, je pense, nous nous rendions en bus à la mairie d’Alger et après avoir patienté quelques instants dans le hall, l’inscription était faite.

C’était avec une certaine appréhension de ma part que le jour du départ vers la France arrivait. Le regroupement des enfants pour la colo se faisait souvent dans une cour d’école ou même dans les sous-sols de la mairie d’Alger d’où nous partions ensuite, chargés de notre paquetage, en bus vers le port. Qu’est-ce qu’on était beau avec nos sandalettes toutes neuves, nos cuissettes bien serrées et nos casquettes marquées de publicités « Cruch, Hamoud Boualem et autres » ou même un grand mouchoir noué aux quatre coins pour ceux qui n’avaient pas de casquettes (comme moi par exemple !) Au préalable nous avions fait connaissance par petits groupes de nos moniteurs ou monitrices respectifs.

La séparation familiale ne se passait pas toujours d’une façon agréable. Beaucoup de larmes contenues pour nos parents et de pleurs parmi nous les enfants. Après un embarquement sur le Kairouan ou le Ville d’Alger ou bien l’ Eldjézaïr qu’ece j’en sais moi mainant, on s’installait sur le pont arrière pour un au revoir aux parents en agitant nos casquettes ou nos mouchoirs. Moment émouvant pour ceux qui restaient sur le quai mais sur le pont les sentiments étaient mélangés. Certains resplendissaient de la joie à l’idée de se retrouver seuls sans les parents pendant un mois et d’autres comme moi affichaient plutôt un visage de tristesse et surtout de regret d’avoir été si enthousiaste à la préparation de ce voyage.Si la traversée de notre Méditerranée se passait dans le calme et sans mer trop agitée, nous étions autorisés à séjourner à l’air libre sur le pont du bateau.En contrepartie si la mer nous secouait, c’était la catastrophe ! Nous devions rester cloitrés dans la cale du navire avec maux de tête et de ventre sur des transats sachant que la traversée pour rejoindre Marseille ou Port Vendre durait en moyenne 22 heures. Dur métier que celui de vacanciers de colonies ! J’allais écrire « colons » mais est-ce le mot adéquat ?

Je me souviens de l’arrivée dans le port de Marseille. Elle se faisait souvent au petit matin avec la vue de Notre dame de la garde, l’entrée du port de Marseille nous faisait penser à notre chère ville d’Alger surplombée de notre chère Notre Dame d’Afrique. Au débarquement, nous étions pris en charge immédiatement afin d’avaler un petit déjeuner et, celui-ci terminé, sans perdre de temps, nous entamions le voyage en car ou en train vers notre destination « coloniale ».

Je dois avouer que ce mois d’aout passait relativement vite bien que nos parents nous manquaient cruellement surtout le soir. Faut dire que toute la sainte journée nous étions occupés en plein air avec des jeux et des travaux manuels réservaient aux garçons et pour cause, nous n’étions (malheureusement) que des gars dans ces colonies ! Chacun d’entre nous avait économisé pendant ce mois d’aout une petite somme d’argent pour acheter « le souvenir de France » qu’il fallait impérativement ramener aux parents. Ces achats se faisaient juste avant la fin de la colo et annonçaient le retour au pays dans les mêmes conditions que l’aller. Pas besoin de vous décrire l’accueil de nos parents à la descente du bateau ! Un mois de séparation avait été l’enfer pour eux ! Ça ne les empêchait pas du tout, cinq minutes après nos embrassades, nos effusions de joie, de nous tarabuster en nous reprochant les « médailles »sur la belle chemisette toute neuve ou les superbes sandales toutes « escagacées » qui devaient nous faire 3 ans au moins !

Actuellement la tendance est au dénigrement de ces colonies de vacances. On dit qu’elles reviennent trop chères non seulement à la collectivité mais également aux parents. Avec ce besoin implicite de sécurité, de qualité de soins, de nourriture, d’encadrement, d’activités que nous souhaitons tous pour nos enfants, fait que nos colos d’antan sont mortes et enterrées.

J.J. Moréno