Le : 13/06/2011 18:30

A L'ABEO, LE DEFI DU TEMPS NE FAIT PAS PEUR.

" A l'année prochaine!" Cette phrase lachée en fin d'après-midi au moment de se quitter, ne nous a pas fait oublier les incertitudes qu'elle soulève; et chacun la mine réjouie et le coeur triste est reparti dans son coin. Venus des Etats Unis, de Suède, du Danemark, de toute la France, et pour rien au monde, ils auraient raté le rendez-vous de la fraternité organisé par l'ABEO sur le domaine du Grand Saint-Jean, à deux pas d'Aix en Provence.

La bienséance a coutume de marquer d'une pierre blanche un évènement hors du commun, mais pour nous, enfants de Bab el Oued, nous l'avons marqué hier 12 juin 2011, d'une anisette blanche avec une kémia gargantuesque assortie d'un succulent beignet arabe de chez Blanchette.

A vrai dire, on ne se réunit pas pour parler du présent( force est de constater qu'il est derrière nous), mais pour faire revivre une culture aujourd'hui en voie de disparition. Cette culture est née vers les années 1840 à cause d'une bande d'inconscients ( des malades ou des désespérés) émigrant de leur pays en terre d'Algérie pour assurer une vie meilleure à leur famille.

Arrivés sur le port d'Alger, un baluchon sur le dos, ils partirent à pieds sous un soleil de plomb, longeant le Cassour et la mer, et remontèrent l'Oued M'Kacel jusqu'au carrières Jaubert. A la pioche, il découpèrent les pierres sur les à-pics qui dominaient le paysage désertique; et les maçons de Valence et de Lombardie construisirent une à une les maisons qui donnèrent naissance à Bab el Oued. Comme les bénévoles de l'ABEO aujourd'hui,nos aïeux, pour relever le défi, devaient être " Badjoc ou caboute ".

La main d'oeuvre locale arrivait de la Casbah, les commerçants juifs de la rue de Lire où ils étaient installés depuis des lustres, les Espagnols, les Italiens, les Maltais et les ruinés ou pestiférés dont la France se débarrassait, passaient par le port d'Alger. Petit à petit, un peuple de condition modeste apprenait à vivre ensemble. La diversité créait une dynamique que personne n'avait soupçonnée. Tous si différents affirmaient leur identité ainsi : " Je suis de Bab el Oued ". Il suffisait d'entendre l'appel des élèves en classe chaque matin par le maître d'école, pour savoir que le quartier était unique en son genre. Jusqu'à créer une langue de chez nous : le pataouète. Les substantifs et les qualificatifs utilisés par Lyas, Momo ou le docteur Abisserour et quelques autres défenseurs de cette culture arabo-juive-chrétienne, nous l'ont rappelé jusqu'à leur mort.( Zarma, falso, zoubia, tchalef, morteguidamourte, falampo, gabatcho, soua soua...)

Il a fallu plusieurs générations pour que ce patrimoine existe et quelques minutes pour décider qu'il n'existerait plus.

La vie nous commande à prendre les choses comme elles viennent; et faire la part de ces choses nous aide à relativiser l'important de ce qui est anecdotique. Tiens, puisqu'on est entre gens de bonne compagnie, hier, il y avait de l'anecdotique dans les remarques désobligeantes faites à nos bénévoles qui encaissaient les 4 euros du parking. A ceux-là j'ai envie de les appeler à plus de retenue, car leurs remarques déplacées peuvent contrarier la générosité et l'altruisme de ceux qui ont travailler durement plusieurs jours pour nous offrir une journée magnifique avec 6 toilettes entretenues heure par heure par de courtoises jeunes filles qui n'avaient pas vingt ans, un poste de secours, une équipe de pompiers, des stands de nourriture, une buvette, une piste de danse avec DJ, une décoration avec les noms de rues de BEO, des tables, des chaises, les trois horloges reconstituées plus vraies que nature. De plus, ceux qui avaient installé tout ça la veille, sont restés seuls jusqu'à 23 h pour tout débarrasser y compris les sacs poubelles et les ordures laissées par ceux qui ont critiqué le prix du parking. Alors je dis solennellement à ceux-là ne poussaient pas le bouchon trop loin; les bénévoles ne peuvent pas en plus des efforts surhumains consentis à leur âge de Papy,payer en plus cette organisation de leur poche pour satisfaire une bande de profiteurs.

Soutenons le Président René Sanchez et toute son équipe pour que l'ABEO puisse entretenir la flamme de fierté de nos aïeux qui ont bâti Bab el Oued.

A l'année prochaine! Et si l'on n'est pas plus, que le Dieu des Trois Livres, fasse que l'on ne soit pas moins.

André Trives ( J'adhère à l'ABEO depuis presque 30 ans afin que notre association de fraternité puisse survivre et transmettre la vérité sur nos aïeux pour qu'ils ne soient pas mort pour rien. Il devient insupportable que des personnalités colportent aujourd'hui encore à l'égard du petit peuple de Bab el Oued l'absurde qualificatif de colon )