Le : 12/02/2011 21:09

JE CROIS ENTENDRE ENCORE

Aujourd'hui mon esprit est encore troublé,

je crois voir encore ce panorama plein de beauté

quand derrière le stade Marcel Cerdan je me promenais

alors que les vagues passaient par dessus les rochers,

Bab El Oued s'étalait devant moi, d'El Kettany à Saint Eugène.

Un peu sur les hauteurs je ne la voyais pas, mais la devinais sans peine

ma petite rue Réaumur derrière la Cité Picardie et l'Hôpital Maillot.

Je crois voir encore Notre Dame d'Afrique se détachant tout en haut

sous un ciel si bleu, comme dans une lumineuse vision,

en passant au delà de la Bassetta mon regard descendait vers la Consolation

puis survolait l'avenue Malakoff pour arriver au beau square Guillemin,

et j'imaginais alors les rues, avenues et places que je connaissais si bien.

Je crois entendre encore les motos cross à la Carrière Jaubert

quand le dimanche matin j'y allais avec mon père,

je crois entendre encore comme si c'était hier

du côté des Trois Horloges les sifflements des garçons qui sans manière

appelaient les filles, lesquelles répondaient par des sourires éclatants

et continuaient leur marche d'un air triomphant.

Je crois entendre encore les claquements des "tape cinq " ponctuant

nos éclats de rire comme si c'était un serment,

et dans l'avenue Durando je crois entendre encore

les grincements du tram qui descendait jusqu'à la Poire d'Or.

Je crois entendre encore les appels et les cris

des marchands de kalentita et des marchants d'habits,

des vendeurs de kilomètre et de zoublis

ainsi que la musique des babas salem qui sous nos balcons

jouaient leurs airs sur un rythme saccadé, créant une étonnante animation.

Je crois sentir encore l'odeur des kemias si parfumées

qui me faisait saliver en passant devant les cafés,

je crois sentir encore l'odeur des petits rougets grillés,

celle envoutante de l'appétissante mouna à la fleur d'oranger,

celle des beignets de chez Blanchette dont je me régalais,

je crois sentir encore au Petit Bassin le souffle de feu du sirocco

quand sous le soleil du mois d'août il me brulait le dos.

Tous ces moments qui étaient mon quotidien je les ressens bien souvent

car je les ai vécus intensément jusqu'à l'âge de dix huit ans.

Robert Voirin