Souviens toi tristement , l'été soixante-deux ,

Le miracle incertain , appelant de nos voeux

Rester de l'autre côté de Méditerranée ,

Avec espoir croyant à la fidélité .

Alors est arrivé le temps de trahison ,

Qui nous fit délaisser, nos biens et nos maisons !

Un refuge s'offrit , un coin de Paradis ,

Cette île de Beauté , comme on nous l'avez dit !

Et ce matin de juin , changea notre Destin ,

Pleines de souvenirs , deux valises à la main !

Le coeur insouciant , avec notre chagrin ,

Nous voilà débarqués , sur les quais d'Ajaccio ,

Je m'en souviens encore , j'étais pourtant petiot !

Du haut de mes douze ans , contemplant cet instant ,

À moitié inconscient , je défiais le Temps !

Mais au tréfonds de moi , sentais ce désarroi ,

Qui , encore et toujours , met mon coeur en émoi ,

Car je m'en souviens bien , nous n'avions plus de toit !

C'était l'été tourments , l'été du Désespoir,

Il fallait être fort , pour conserver l'espoir,

Et nous partions de rien , tournés vers le Néant,

Conscients d'avoir perdu , à jamais tous ces ans ,

À construire , embellir, encore et tout le temps !

Nous savons bien que rien , ne serait comme avant ,

OUI c'était cet été , l'été de mes douze ans .

Je savais que plus rien , ne serait autrement ,

Mais où sont donc passés , tous mes amis d'antan ?

Je pense à ceux d'avant , ce très fameux printemps ,

Plus jamais , sûrement , je ne les reverrais !

Comme moi , à coup sûr , très fort ils s'ennuieraient ,

Comme moi , à comprendre , encore ils chercheraient ,

Comme moi , à chercher , aussi s'épuiseraient !

Et parfois dans le coin , de ma vraie solitude ,

Avec eux me surprend , à reprendre habitudes !

Pour faire un peu semblant , d'encore exister,

Je m'invente des jeux , pour me faire rêver ,

Mais je sais bien que rien , ne sera comme avant !

Le vent a balayé , à tout jamais ce temps ,

Et il ne m'a laissé que foison de soupirs,

Qui s'en viennent parfois , réveiller souvenirs ,

De ce lointain été de vive déchirure ,

Il ne me reste plus , que la seule écriture ,

Que je veux exprimer, sans plus de fioritures ,

Besoin d'exorciser , sans rancoeur et sans haine ,

L'été , le noir été , celui de toutes peines !